XXème Université d’été anglophone

Religion, Identités et Politique, 1er – 21 Juillet 2002 à Ohrid (Macédoine)


  • fr
  • en
  • Mode multilingue
  • Mode simple

Transeuropéennes - Paris ; Co-organisée avec Euro-Balkan Institute - Skopje. Avec le support du Conseil de l’Europe, du Ministère Français des Affaires Étrangères, de l’Open Society Institute - Macédoine.

 

 

Conclusions générales

 

La vingtième université d’été s’est déroulée en Macédoine, pays on ne peut plus emblématique des relations entre religions et politique et leur rôle dans la construction identitaire et ses processus revendicatifs. Co-organisée pour la deuxième année consécutive avec l’Institut Euro-Balkans à Skopje, l’Université d’été a eu lieu au lendemain des événements qui ébranlèrent la Macédoine – qui empêchèrent la tenue de l’Université d’été en Macédoine en 2001 – et dans l’attente des élections générales de septembre, cruciales pour la stabilité du pays.

En dépit du magnifique lieu où les participants ont passé les trois semaines de l’université d’été, la tension et l’inquiétude des Macédoniens étaient perceptibles… Les réunions avec des intellectuels et des militants macédoniens ainsi que la participation d’étudiants macédoniens, quelle que soit leur appartenance « ethnique », a contribué à renforcer le sentiment de l’émergence d’un dialogue et la pertinence des sujets traités par l’Université d’été.

 

 

Cours et méthodologie

 

La langue de travail est l’anglais.

Les étudiants suivaient des cours le matin (3 heures dont 1 ou 2 consacrées au cours et 1 heure de discussion. Les après-midi étaient généralement consacrés aux ateliers, avec des travaux de groupe, des discussions auto-organisées autour de visionnage de films, des matériaux apportés par les étudiants ainsi que des visites et réunion avec les médias locaux, des ONG, des groupes minoritaires ainsi que des représentants des autorités locales et des organisations internationales, telles que le Conseil de l’Europe.

Le programme a été enrichi de visites de lieux culturels et d’excursions.

 

Les travaux préparatoires des étudiants

Avant de venir à l’Université d’été, il a été demandé aux étudiants de préparer des supports de travail (photos, cassettes-vidéo, articles), évoquant leur approche personnelle de la question traitée par l’Université d’été. Chacun d’entre eux a présenté ses documents ainsi que son point de vue personnel sur la question, tout en évitant toute forme de réserve ou de « langue de bois ».

Concrètement, deux travaux préparatoires ont été demandés aux étudiants pour Ohrid. Le premier devait décrire les relations qu’entretenaient leurs grands-parents, grand-oncle ou grande-tante ou toute autre personne de cette génération (un voisin par exemple) avec la religion. Les étudiants pouvaient décrire le culte qu’ils suivaient, les manifestations religieuses auxquels ils avaient pris part (en lien avec la naissance, le mariage, la prière). Ils pouvaient décrire quelle importance ces manifestation avaient au regard de la vie sociale du village ou de la ville (présence de personnalités officielles, de la population entière). Ce travail avait pour but de re-lier les étudiants au passé de leur propre pays et d’informer les autres participants dans le but d’établir une tentative de comparaison. Dans le second travail préparatoire, il leur a été demandé de présenter brièvement mais de façon exhaustive ce que la constitution ou loi fondamentale de leur pays spécifiait en matière de religion, de la place qui lui était accordée dans la société et l’attitude de l’Etat et du gouvernement en ce qui concerne les rites (en citant les passages les plus pertinents). Partant de ces éléments légaux, les participants ont été invites à faire leur commentaire sur la relation réelle existant entre la religion d’une part et, d’autre part, l’Etat et la société.

Quatre sessions ont été consacrées aux présentations des résultats des recherches préparatoires des étudiants, de façon individuelle pour les travaux concernant l’identité revendiquée de leurs grandsparents et de façon collective pour les constitutions.

Ces travaux préparatoires ont montré un bon niveau de conscience de l’histoire et la vie de leurs grands-parents, malgré la rupture récente qui a lieu dans les Balkans avec la chute des régimes communistes et la disparition de la Yougoslavie, mais un manque de connaissance pour ce qui concerne l’histoire des autres pays. En outre, l’étude des constitutions a montré de grandes différences pour ce qui concerne la place officielle donnée aux religions dans les pays des Balkans. Dans cette perspective, l’expérience des étudiants et la connaissance qu’ils ont de leurs sociétés respectives ont été utiles pour confronter les dispositions constitutionnelles au réel.

 

Cours et ateliers

Les cours et ateliers ont lieu pendant les trois semaines de l’université d’été. La première semaine, consacrée à la philosophie et à la science politique a permis de définir des notions-clefs et des concepts relatifs à “la religion, les identités et la politique”. Les cours étaient suivis d’ateliers portant sur les éléments constitutifs de l’identité selon les sociétés dans lesquelles ils vivaient. Ce travail a permis de définir ce qui était de l’ordre de l’exclusion et de l’inclusion.

Par conséquent, il a été demandé aux étudiants de participer aux discussions pendant les cours, de s’organiser pour débattre des thèmes proposés par le programme, de présenter leur travail, de faire des comptes-rendus de leurs visites et leurs réunions avec les acteurs locaux.

 

Groupes de travail

Le travail final qui leur a été demandé consistait à dépeindre les traits principaux d’un pays imaginaire (histoire héroïque, Panthéon national, système politique, groupes minoritaires, relations entre la religion et la politique, éléments de géographie nationale, etc.) qui prendrait la forme d’un guide touristique. Le but de ce travail était de les aider à prendre une distance critique par rapport aux éléments de leur identité nationale et d’être plus tolérants à l’égard de celles des autres. En outre, ce travail renforça les liens transnationaux d’amitié du fait même du côté ludique d’un tel travail.

Au regard des évaluations finales effectuées par les étudiants le sentiment d’avoir rencontré des avis différents est particulièrement marqué lorsque des sujets comme la religion, l’identité ou la politique furent abordés. Ils firent face à ces différences et les surmontèrent grâce à l’approche scientifique des thèmes sans qu’un débat, inévitable et enrichissant lorsqu’on traite de tels sujets, soit évité.

 

 

Transeuropéennes et l’Institut Euro-Balkan: une coopération fructueuse en 2001-2002

 

En 2001, l’institut Euro-Balkan et Transeuropéennes organisèrent ensemble la dix-septième université d’été transeuropéenne. Initialement prévue pour se dérouler en juillet à Ohrid, Macédoine, elle fut une première fois ajournée puis déplacée au Monténégro à la suite des événements qui bouleversèrent la Macédoine après 2001. L’université d’été prit finalement place à Cetinje (Serbie et Monténégro)du 20 août au 7 septembre 2001.Elle réunit près de trente étudiants anglophones en sciences humaines, droit et littérature originaires de toute la région afin de travailler ensemble sur le thème commun de l’histoire et de l’historiographie en tant que question politique. Les origines diverses des étudiants, tant en termes disciplinaires que géographiques contribuèrent à approfondir les échanges et à élargir la réflexion sur le rôle du passé et de ses usages dans la vie sociale et politique, à la fois dans la région et au sein de l’Union Européenne.

Les étudiants restèrent en contact et certains d’entre eux participent à des réseaux. D’autres, qui se destinent à l’enseignement, sont intégrés dans de nouvelles activités de formation de formateurs lancées en 2002 par Transeuropéennes et ses partenaires régionaux.

Prenant en compte leur coopération fructueuse en 2001, l’institut Euro-Balkan à décidé de resserrer ses liens de opération et d’organiser, cette fois-ci à Ohrid, en Macédoine, la vingtième université d’été de Transeuropéennes sur un sujet très sensible et important : Religion, Identité et Politique.

 

 

Religion, identités et politique

 

Le sujet fut développé à Sarajevo en novembre 2001 dans le cadre de l’Atelier Régional de Coopération organisé par Transeuropéennes et l’Atelier de philosophie, sciences sociales et psychanalyse, ainsi qu’avec le Nansen Dialogue Centre (Sarajevo).

Le principal objectif de l’Atelier fut de décrire les relations entre religion et politique d’une part, et, d’autre part, de réexaminer en termes théoriques les éléments constitutifs de l’identité, de la religion et de la laïcité dans les sociétés contemporaines, ainsi que leur impact sur la construction et la reconstruction des liens sociaux.

Les deux questions furent discutées à la lumière des récents événements qui prirent place dans les Balkans au lendemain de la chute de la fédération yougoslave qui produisirent la (re)-constitution ou la (ré)- invention d’identité ethnonationales sur les bases d’affiliation religieuse.

La situation en cours dans la région, très profondément marquée par un passé récent et tumultueux et toujours hantée par ses fantômes, semble réellement ambiguë et instable. Au coeur de cette région, tragiquement frappée par la guerre, la paix est fragile et menacée par des conflits ethniques toujours à l’oeuvre et de institutions démocratiques vulnérables. De nombreux défis sont lancés par les pays issus de la désintégration de la Yougoslavie dans leurs efforts pour construire une société démocratique, notamment la Macédoine.

Ils ne sont pas moins nombreux pour les autres pays de la région, particulièrement pour ceux qui ont récemment aboli leurs régimes communistes. Quand l’on compare les dilemmes les plus délicats et les questions les plus cruciales qui restent à résoudre ,ainsi que les objectifs à long terme tels que définis par leurs dirigeants et leurs élites politiques, on peut en conclure que tous ces pays partagent en définitive un agenda politique commun.

La question de la religion, qui occupe aujourd’hui une place prépondérante dans les agendas politiques est un signe tangible de ces réalités politiques partagées, perceptible en dépit des différences propres à chaque pays. Cette question apparaît à la fois sur la liste des obstacles majeurs du projet de développement démocratique et économique. L’importance manifeste que revêt la religion aujourd’hui peut être analysée de deux manières différentes comme un fardeau du passé ou comme le produit de la libération des régimes communistes. Dans tous les cas, il est évident qu’il y a quelque chose qui ressortit à un certain « retour de la religion ». Celuici est le plus manifeste dans le domaine politique. Il s’agit, avant tout, d’un retour à une « référence à l’absolu » (P. Legendre) faite dans l’espace de la sphère publique et dans les discours dominants de celle-ci. C’est ce retour de la religion dans le politique qu’il convient d’examiner.

Cette tendance à la réintroduction de la religion dans la sphère publique, ainsi que les penchants pour la formulation de politiques en accord avec des doctrines religieuses sont particulièrement prononcés dans certains pays ex-communistes de la région. Cela jette un doute sur certaines des plus grandes réalisations du récent renouveau démocratique. La volonté de répéter, réaffirmer et de remettre l’emphase sur les valeurs et normes fondamentales de la vie religieuse traditionnelle, et, en particulier, sur les formes sociales des communautés définies de manière confessionnelle, par des moyens politiques modernes et à l’intérieur des structures institutionnelles de l’Etat-nation moderne pourrait être dangereuse et saper les fondements mêmes de toute société démocratique. Il est fait d’habitude référence à ces phénomènes – qui se caractérisent notamment par une fusion du politique et du religieux - sous le terme de « ethno-nationalisme balkanique ». C’est cet ethno-nationalisme qui a émergé durant la période qui a suivi la libération des régimes totalitaires et c’est également ce mouvement populaire qui a été blâmé pour sa résistance et le ralentissement dont il a fait preuve à l’égard du développement prévu de la région. Aujourd’hui dans les Balkans, dans une période de politique moderne, l’influence prédominante de la conscience religieuse et ses implications concrètes sur les relations sociétales et les structures de la société entraînent la reethnicisation de l’ensemble de la société. Ainsi, les identités ethniques héritées se sont le plus souvent constituées en suivant les frontières qui séparaient les communautés confessionnelles.

De fait, le retour de la religion se produit sous la forme d’un retour à l’ethnique. C’est un retour politique dans sa forme la plus « substantielle ». Cette forme – ethnique - montre que la configuration moderne typique de la réalité politique et sociétale n’est pas encore produite, qu’une fusion pré-moderne des instances les plus importantes des production et reproduction sociétales résiste encore à la différenciation moderne. L’ethnique, le politique et le religieux ne se laissent pas aisément distinguer. L’exploration d’une de ces instances implique l’exploration de toutes les trois dans leurs relations mutuelles ou bien alors dans leur inextricable confusion. Pour rendre cette exploration plus facile il convient donc de préciser la définition du concept en liaison avec chaque discipline.

Les universités d’été prétendent prendre en main de telles études. Elles se réfèrent aux expériences historiques développées dans les pays démocratiques, assurant ainsi une base standard sur laquelle baser nos jugements. Cela ne doit pas pour autant être considéré comme un modèle impossible à remettre en question mais comme une référence pratique dans un contexte donné. En lançant un tel thème dans un domaine académique, l’université d’été aborde quelques unes des problématiques les plus importantes que les Balkans doivent affronter aujourd’hui en cherchant à offrir une pensée alternative à de jeunes étudiants, futurs multiplicateurs d’opinion.

 

Synthèse réalisée par Christophe Ingels

 

 

Intervenants

Robert ALAGIOZOVSKI, Skopje, Macédoine, journaliste, rédacteur en chef de “Studentski zbor”, correspondant macédonien pour Transitions Online (Prague). Ancien étudiant de l’Université d’été de Transeuropéennes, Plovdiv 1997. Besa ARIFI, Tetovo, Macédoine, participante au projet de Transeuropéennes « Action militante des femmes à travers les frontières ». Ancienne étudiante de l’Université d’été de Transeuropéennes, Strasbourg 2000. Ana Daniela BUDICA, Bucarest, Roumanie, chercheur, rédactrice en chef d’Editura Domino. Tamara BUSHTRESKA, Skopje, Macédoine, membre de l’OSI – Macédoine, coordinatrice locale et participante au projet de Transeuropéennes « Action militante des femmes à travers les frontières ». Jovan DONEV, Skopje, Macédoine, historien, directeur de l’Institut Euro-Balkan. Slavica INDZEVSKA, Skopje, Macédoine, Open Society Institute, directrice générale adjointe. Christophe INGELS, Paris, France, responsable de programme à Transeuropéennes. Dona KOLAR PANOV, Skopje, Macédoine, chercheur à l’Institut Euro-Balkans. Tchavdar MARINOV, Sofia, Bulgarie, historien, doctorant, travaille sur la construction de l’identité nationale en Macédoine. Slobodanka MARKOVSKA, Skopje, Macédoine, anthropologue de la culture, chercheur à l’Institut Euro-Balkans. Ognyan MINCHEV, Sofia, Bulgarie, directeur de l’Institut d’Études Régionales et Internationales. Nenad MISCEVIC, Rijeka, Croatie, professeur de philosophie à l’Université de Maribor (Slovénie). Teta PAPADOPOULO, Athènes, Grèce, journaliste à Eleftherotypia. Antoanela PETKOVSKA, Skopje, Macédoine, chercheur à l’Institut Euro-Balkans. Vladimir RISTOVSKI, Directeur du Centre de Documentation et d’Information du Conseil de l’Europe. Branko SARKANJAC, Skopje, Macédoine, philosophe, Université St-Cyrillus et Method.

 

 

Partenaires

Transeuropéennes/ Réseaux pour la Culture en Europe, Paris, France ; Présidente : Catherine LALUMIERE ; Directrice générale : Ghislaine GLASSON DESCHAUMES ; Responsable de programme et coordination scientifique : Christophe INGELS ; Chargée de production : Suzana DUKIC ; Assistante de production : Lilit TELYAN ; Administratrice : Lisa TICHANE.


EURO-BALKAN INSTITUTE, Skopje, Macédoine ; Directeur : Jovan DONEV ; Co-ordinateurs : Biljana BEJKOVA, Bojana JANEVA, Dragana KAROVSKA.

Coordination scientifique : Christophe INGELS.