Réflexions historiennes sur un fragment révolutionnaire

Kmar BENDANA


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Une des expériences les plus stimulantes pour un historien est de se trouver dans le cœur d’une actualité palpitante. L’excitation qu’elle procure n’est pas plus évidente à vivre par les tenants de ce métier que pour n’importe quel citoyen. Elle s’apparente à celle du journaliste, sans l’indulgence due à la nécessité de rendre compte dans l’urgence, qui fait courir le risque d’interprétations hâtives ou partielles. Seulement, dans la conscience commune de traverser un présent que l’on sait chargé d’histoire plus que d’ordinaire, plus que de raison, le recours à la boîte à outils des historiens contribue à contrebalancer le poids émotionnel d’exception qui habite l’expérience. Formation - et déformation - professionnelles aident à sérier les questions qui jaillissent devant les événements et permettent de tirer de cette leçon existentielle quelques enseignements, d’ordonner une première lecture de la réalité vécue en attendant le recul pour des analyses plus approfondies, l’écriture de l’histoire en train de se faire.

 

Apprendre du présent 

                Les situations du présent fabriquent des cas d’école, telle est la première des leçons inculquées par les événements de Tunisie à l’historienne que je suis. Jusque là, la fameuse formule de Benedetto Croce : « l’histoire est toujours contemporaine » était une affirmation livresque que mon aversion excessive de la citation m’interdisait d’invoquer. La phrase a pris son sens dans cette période survoltée où la vitesse des faits et la bousculade entre informations et rumeurs ont été telles que, pour mettre de l’ordre dans l’appréhension immédiate des événements, le recours aux exemples historiques a fonctionné comme un sédatif bienfaisant. L’inédit de ce que l’on vit au jour le jour trouve parfois une explication parmi les choses apprises dans les livres. Ainsi la « fraternisation avec l’armée », rencontrée dans les manuels d’histoire, m’a-t-elle été suggérée par une des innombrables vidéos qui couraient d’autant plus vite sur les écrans d’ordinateurs que le couvre-feu décidé le 9 janvier 2011 a enfermé les Tunisiens dans leurs foyers. Probablement filmée par un militaire campé sur un toit, cette séquence de 9 minutes1 environ a enregistré l’entrée prudente de chars militaires dans l’avenue principale de la ville de Sfax. La conduite hésitante des chauffeurs était encouragée par une nuée de jeunes qui se sont juchés sur cette chenille mécanique pour fendre le cordon policier. Sans me douter de la suite des événements, j’ai lu cette « information » postée sur facebook comme annonciatrice d’une possible conjonction entre soldats et population, comme un exemple de pression conjuguée de la rue et de la force militaire, capables de faire céder le pouvoir policier. Cette intuition toute relative ressentie dans le feu des journées de janvier est corroborée quelques jours plus tard, quand, après la fuite de Ben Ali, les soldats commencent à être traités ostensiblement comme des amis, des protecteurs, des sauveurs face au trouble des provocations armées contre la population. Alors que, dans les villes et villages tunisiens, la police en uniforme ou en civil est redoutée, suscite la méfiance, qu’elle se révèle même comme un corps impopulaire, on coiffe les chars de fleurs, on embrasse les soldats, on klaxonne joyeusement leur passage. Dans les quartiers insécurisés, où les hommes, jeunes et vieux, de toutes conditions s’organisent pour se protéger, les riverains remercient les soldats surveillant les barrages à coups de friandises, d’attentions, de sourires, de you-yous. Des officiers ont dû interrompre des conversations trop longues, empêcher des gâteries trop voyantes à côté des postes de garde, contrôler la durée et le nombre des poses photographiques. Ces marques de reconnaissance et de connivence prodiguées à des soldats jusque là invisibles et ravis de compter enfin aux yeux de leurs compatriotes, rendent jaloux les policiers dont l’omniprésence, la violence et la corruption avaient fini par exaspérer le Tunisien lambda. Sur fond de peur du régime policier de Ben Ali, l’irruption de l’armée dans la rue concorde avec une fraternisation requise par l’insécurité et qui, relayée par les images, signe son engagement patriotique.

Cette « leçon de choses » vivante illustre la fonction ambivalente d’une armée, toute effacée qu’elle est. Assignée dans les casernes depuis Bourguiba, l’armée tunisienne y a été confinée de façon plus musclée par l’ex-général Ben Ali ; « défroqué », ce dernier, vouait une méfiance intime à l’institution militaire et la surveillait étroitement. Aussi, ce corps gommé du paysage public a gardé une image « d’innocence », au fondement de la confiance qui l’a rendu sympathique aux yeux du peuple et lui a permis de jouer un rôle éminemment délicat : protéger et défendre les Tunisiens dans le désarroi des premiers jours de vide politique. La tâche de veille militaire, encore de mise en cette période de transition, malgré l’extinction de quelques signes de présence trop voyants, a été perçue plus favorablement que celle de l’administration, un corps tout aussi organisé et obscur, qui a, de son côté, assuré l’essentiel des services minimum. Même si l’histoire ne fournit pas d’exemples de fraternisation avec les fonctionnaires, on retiendra que les salaires de la fonction publique ont été versés comme à l’accoutumée le 22 janvier 2011, soit une semaine jour pour jour après la débandade du Palais de Carthage. Ces acteurs de l’ombre, dans l’armée ou dans l’administration, tout comme les milliers de cybernautes anonymes qui ont relayé l’information, attendent d’être identifiés derrière les mouvements de foule en colère, derrière les jeunes manifestants, les femmes militantes, les syndicalistes qui ont accompagné le mouvement et  les protagonistes politiques qui ont pris le relais après la chute du régime. Les meneurs au-devant de la scène s’adossent à des milliers d’individus, moins visibles, passifs, en proie à un besoin de liberté diffusé sous diverses formes, à travers l’école, la radio, la télévision satellitaire, le tourisme, la cyberculture. Ces vecteurs ont eu le temps d’ouvrir la société à des cultures porteuses de modèles politiques étudiés par les historiens, les juristes, les penseurs. Cette instruction a semé des connaissances, des images et des idées et ainsi planté des envies de démocratie. Cette éducation a fabriqué des rêves de liberté, tenus secrets face à la dictature et qui, présents dans les esprits, se sont avérés au diapason de la vague contestataire. Derrière le déploiement populaire et la formulation des revendications, des individus silencieux et sans apparence politique organisée ont accédé à un idéal de droits politiques minimum. Cet amour platonique, banalisé dans les têtes, interdit dans la pratique, était exacerbé par les excès anti-constitutionnels ; il était bafoué par les atteintes à la propriété, les privilèges exorbitants du régime, l’accaparement des richesses. Partisans muets désireux d’une existence publique plus policée, ces adeptes cachés d’une morale politique basique ont constitué une assise favorable, un terreau propice à la « réussite » du mouvement relayé depuis les insurgés de Thala et Kasserine jusqu’aux médias du monde entier, en passant par des groupes militants, des internautes éparpillés, dont certains, introduits à la cyber-communication, se sont organisés autour des faits. Une complicité informelle disséminée dans toutes les couches sociales, une aspiration civique étouffée, une communauté virtuelle structurée en réseau d’information autour des insurrections censurées par les médias tunisiens ont contribué à créer une spirale spectaculaire, rendant unique le scénario tunisien. Le dénouement extrêmement rapide et inespéré d’une sédition persistante pendant un mois est dû des solidarités locales efficaces et à une charpente technologique et émotionnelle, solide et ancienne dans le pays, et la promptitude de l’épilogue a généré à son tour l’admiration face à un canevas révolutionnaire inouï. Ainsi s’est joué aux yeux du monde la délivrance d’un peuple au sein duquel le sentiment d’une injustice généralisée a mûri, nourri par l’aggravation des inégalités sociales et l’exacerbation des pratiques mafieuses du régime, pendant que germait le goût secret de la liberté en chacun, que grandissait le besoin de plus en plus impérieux de liberté. Cet alliage entre militants actifs et population passive a joué une part, invisible mais tangible, dans l’enchaînement qui a miraculeusement renversé un gouvernement ayant confisqué droits, richesses et libertés de chacun, jusqu’à l’excès. Le déroulement horizontal qui a frappé, par son rythme et son efficacité, journalistes, diplomates, blogosphère et téléspectateurs a surpris, en même temps les Tunisiens, perçus comme des héros positifs et en tant que protagonistes déterminés d’un processus démocratique insoupçonné.

Ce soulèvement en chaîne, sans leader charismatique ni élite dirigeante, est issu d’une contingence entre plusieurs facteurs : un mauvais traitement politique insensible à l’élaboration d’un horizon d’attente civique, une conjonction de désirs individuels d’accéder à des libertés observées ailleurs et enviées, une explosion imprévue de frustrations diverses, un sentiment partagé d’injustice et de colère.  Est-il une Révolution ?

 

L’émotion et ses signes

Le terme Révolution auréolé d’un R majuscule suggère la recherche de repères transhistoriques. Comme d’autres, j’en ai appelé aux exemples classiques, revenant aux révolutions célèbres dans l’histoire universelle, notamment celles à majuscules : la française de 1789, la russe de 1917, la chinoise de 1949… réservoirs de termes, de slogans et d’analogies sur le terrain de l’action. La naturalisation du vocable se fait à travers sa traduction en arabe : Thawra est associé avec l’adjectif cha’biyya = populaire et la formule s’impose rapidement dans le lexique politique et médiatique avec une double connotation : comme repère chronologique pour signifier l’après-14 janvier et comme référence idéologique, presque mythique. En français, une série de qualificatifs fleurissent dans la presse, sur les blogs et dans la rue : l’usage de l’exotique Jasmin, jugé irrévérencieux, est rejeté, celui de démocratique se voit réservé à la transition consécutive tandis qu’un consensus se dégage autour de tunisienne. Outre son efficacité signalétique, l’expression Révolution tunisienne exerce un effet thérapeutique ; elle enveloppe le pays de fierté, restaure en chacun le besoin de s’unir aux autres : la bannière re-fonde une tunisianité usurpée, répare un sentiment d’unité nationale perdue. Les émeutes des régions défavorisées sont l’assise populaire et les mécanismes de solidarité défiant le quadrillage politique sont le ferment amplificateur des agitations. Le chômage unissant depuis des années la jeunesse diplômée et pauvre rallie plusieurs conditions sociales, tandis que le déplacement de la flamme insurrectionnelle du Centre-Ouest aux villes côtières puis à la capitale, la forte présence des femmes dans les manifestations opèrent comme des segments d’unification d’un mouvement qui se répand sur l’ensemble du territoire, touche le pays entier. Cette dynamique unitaire qui se déploie dans l’espace national sécrète en quelques semaines son propre levain patriotique. Face à l’acharnement répressif, internautes, blogueurs et manifestants arborent comme signe de ralliement le drapeau national, marquant une rupture avec le pouvoir autiste, défiant son monopole. La réappropriation de cet emblème patriotique entraîne celle de l’hymne, restaurant deux images du soi national. A l’intérieur, le drapeau rouge et blanc reprend sa place sacrée et unique face au pouvoir qui l’avait obsessionnellement doublé de la couleur mauve et, sur la scène internationale, il est arboré comme symbole d’une dignité politique recouvrée contre des usurpateurs désavoués.

L’économie, encore pleine de mystère, de l’événement a surpris témoins et observateurs politiques ; au-delà de l’admiration, il suggère des questions au regard de son contexte, de son déroulement et de ses acteurs. Est-il appelé à devenir unique dans l’historiographie nationale, de rentrer avec sa majuscule dans la mémoire et dans l’histoire ?  Peut-on le comparer à des précédents dans l’histoire tunisienne contemporaine ? Ce mouvement qui, par la fuite physique du chef de l’Etat a débouché sur une fracture spectaculaire du régime, a-t-il des modèles antérieurs ? Quels sont les événements déjà connus qui pourraient être mis en parallèle ? Des spécialistes ont évoqué la rébellion de 1864, une révolte fiscale qui a dressé les habitants de la région Thala-Kasserine, sous la houlette de Ali Ben Ghedhahem, contre l’autorité beylicale. Le rapprochement spatial et le caractère « populaire » de ce soulèvement tribal contre un pouvoir despotique central inspirent en partie cette comparaison. Mais où peut se dessiner, dans la situation actuelle, la rupture profonde qu’implique le terme révolution ? Si le facteur économique de pauvreté et la violence des inégalités régionales rapprochent 1864 et 2011, comment évaluer la dimension sociale démultiplicatrice de mouvement qu’on a observé si puissamment à l’œuvre  pendant quatre semaines ? Les soulèvements de Thala-Kasserine de 1906, les journées d’avril 1938 à Tunis, l’agitation estudiantine de mars 1968, les protestations contre la collectivisation en 1969, les mouvements syndicalistes de janvier 1978, les émeutes du pain de janvier 1984, les grèves du bassin minier de Gafsa de l’automne 2008 sont autant de précédents dans l’histoire contemporaine tunisienne à interroger pour une vision de longue durée. Si l’on ne peut assurer qu’il y a une parfaite continuité entre ces moments de fièvre sociale, plus ou moins suivis d’effets, on ne peut nier la teneur politique de ces insurrections. Populaires, menées par les forces jeunes, travailleuses, étudiantes ou sans emploi, ces mouvements sociaux expriment, en pointillés, et en leur temps, des aspirations à la justice sociale, à une équité économique, à des droits politiques. Les leaders de ces soulèvements ne sont pas tous connus par les historiens, même si les mémoires locales en ont retenu quelques noms.

 

Le temps révolutionnaire

En attendant des études de fond et sur la longue durée, notons les opérations de rupture  immédiate enregistrées dans la symbolique et l’espace du pouvoir après le 14 janvier. Si tous les acteurs des événements déclenchés à partir de décembre 2010 ne sont pas encore visibles, les statistiques de 300 morts restent encore à préciser, avec leurs causes. L’opinion s’accorde pour le moment à désigner un clan de traîtres, les familles Ben Ali et Trabelsi ; elle a consacré un  héros  populaire, Bouazizi, à qui sont désormais dédiées une artère importante de Tunis et une place à Sidi Bouzid. Dans l’élan révolutionnaire, on supprime l’appellation fétiche 7 novembre des institutions, lieux et inscriptions publics. La volonté délibérée d’effacer signes, organes et mœurs de l’ancien système explique la rapidité du coup de balai légaliste qui a dissous la Constitution, supprimé les assemblées et congédié le premier cercle d’agents de l’Etat-parti. Effectuée en quelques semaines, cette abolition de signes et emblèmes renvoie aux gestes initiaux d’acteurs révolutionnaires s’emparant, ailleurs et en d’autres temps, du pouvoir.

Cependant, cette rupture brutale qui signifie en partie la volonté de se projeter dans l’avenir n’est pas exempte d’une certaine nostalgie du passé, là aussi signe de crise : on choisit plusieurs ministres de Bourguiba, et ce retour à une ère d’autant moins révolue dans les esprits qu’elle a été violemment gommée, s’avère riche de ressources pour le présent. Des personnalités sorties de la vie publique reviennent parler dans les médias, on raconte des épisodes jusque-là censurés, et le rétablissement de cette narration du passé ressuscite la légitimité du leader nationaliste. On la relie  à son aversion pour l’argent, et Facebook sert à redécouvrir le talent oratoire de Bourguiba, à travers les vidéos de ses discours et interviews. Dans une trame des lendemains révolutionnaires, familière par ses actes d’abolition du passé honni, on trouve des ressources dans la période bourguibienne, pourvoyeuse de personnel, rassurante devant le vide immédiat, permettant de se rattacher à une continuité historique. Dans un rapport au temps partagé entre attachement à un passé proche et tension vers l’avenir, entre besoin de comprendre et nécessité d’agir, un phénomène contemporain agit fortement : l’instantanéité de l’information et le mode de retentissement de cette actualité à l’extérieur du pays.

 Si Internet et l’action des réseaux sociaux déterminent, aujourd’hui, l’agrégation des forces de refus et relayent l’information en dehors des frontières nationales, ces médias renforcent la portée universelle de la Révolution tunisienne et font résonner à l’échelle mondiale son message symbolique. La puissance d’entraînement de l’événement résulte d’une combinaison fulgurante  entre les faits insurrectionnels, les péripéties qui ont vidé le sommet de l’Etat et les effets de réseaux créés par les médias de la planète. Par le même schéma de communication qui a fait de Sidi Bouzid, un lieu-dit du Centre-Ouest tunisien, un « marqueur de référencement » sur Twitter (hashTag), de l’injonctif  Dégage !  un slogan universel et du vocable Jasmin, un terme censuré par la police informatique chinoise, la toile propage l’information, amplifie son impact, l’offrant à lire et à commenter de façon quasi instantanée, sur les écrans d’ordinateurs et dans les salles de rédaction du monde. A son tour, le tissu de cette circulation virtuelle propulse une onde d’indignation, instaure un suivi des faits, érigeant une opinion internationale face aux exécutifs pris de court. Entre action insurrectionnelle, répression aveugle, fabrique d’information et d’émotion, l’épicentre tunisien, relié par la puissance d’une technologie mondialisée devient un laboratoire où l’on observe un éveil à l’égalité et à la liberté qui  harponne les consciences, ébranle le régime à l’intérieur, fend le mur du désintérêt à l’extérieur. Le foyer des événements en branle surgit comme un pôle d’émotion politique, procurant un saisissement inattendu, dans un monde ankylosé par le choc indépassé de septembre 2001, paralysé par les effets dépressifs de la crise financière de 2008, divisé par l’égoïsme des intérêts immédiats.

Malgré les incertitudes qui pèsent sur le devenir de la Tunisie et son environnement, cette Révolution à dimension nationale a les allures d’un événement plus vaste qui craquèle un ordre géo-politique engourdi. L’événement décadenasse la forteresse d’un Etat tenu pour stable et déjoue un système de gestion politico-financière qui, sans s’y réduire, le dépasse. Il brise la confiance ronronnante qui huilait les accords et les profits et rompt la tranquillité d’un équilibre paresseux. Comme un tremblement de terre aux répliques imprévisibles, la déflagration tunisienne présage de changements inconnus, rapproche des phénomènes qu’on croyait lointains, accole des horizons jugés inconciliables. En cristallisant une conjonction entre faits locaux et audience internationale, en révélant une fusion entre aspirations individuelles à la démocratie et empathie mondiale, cette libération politique révèle des connexions qui préjugent d’une recomposition des rapports sociaux et, peut-être, de la physionomie des ensembles régionaux planétaires.

Au moment où se jouent les drames meurtriers du Yémen, de la Libye, de Bahreïn, de Syrie, et où la lame de fond des révoltes pour la liberté continue dans le sang et les atermoiements, ces réflexions historiennes sur un segment révolutionnaire peuvent sembler dérisoires. Elles sont certainement provisoires et, dans l’impossibilité d’écrire cette histoire encore en marche, témoignent de la complexité des questions que réactive une telle charge révolutionnaire. L’oxygène né de cette tectonique mystérieuse déstabilise une imagerie figée envers des pays que l’on croyait prévisibles, fait craindre l’avènement de règles impromptues et de partenaires inopinés. Comme la peur, quand la pression change de camp, le renversement des rapports de force crée, pour un temps, des possibles contradictoires. Peut-on prévoir les suites d’un impact émotionnel encore persistant dans ces régions où des gens continuent à mourir ? Pour l’heure, face à la frilosité des dirigeants du Nord et à l’inquiétude des milieux économiques et politiques qu’ils ont contribué à créer, de nouveaux acteurs entrent en scène, bouleversent la donne. A leur corps défendant, des hommes et des femmes de ces pays soumis à un ordre devenu insupportable, entretiennent une étincelle d’espoirs de changements, que l’on souhaite irréversiblement en route vers une existence plus démocratique, en Tunisie comme ailleurs.

La Révolution tunisienne, tel un sphinx, n’a pas livré toutes ses énigmes.

Hammam-Lif, le  10 avril 2011

 

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