Conclusions générales

Sessions de rencontres et débats au printemps 2002 au Théâtre de Paris-Villette


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Collectif Convergences Palestine / Israël

Les membres du collectif

Etienne Balibar, philosophe (Transeuropéennes)
Fethi Benslama, psychanalyste, directeur des Cahiers Intersignes
Alain Brossat, philosophe (Lignes)
Alice Cherki, psychanalyste (Intersignes)
Driss El Yazami, secrétaire général de la FIDH et vice-président de la LDH
Goran Fejic, expert auprès des Nations Unies, écrivain
Ghislaine Glasson Deschaumes, directrice de la revue Transeuropéennes
et de l’association du même nom
Patrick Gufflé, directeur du Théâtre Paris-Villette
Hafid Hamdi Cherif, sociologue (Alger/Paris)
Kamel Hamouda, physicien (paris)
Eric Hazan, éditeur (La Fabrique)
Rada Ivekovic, philosophe (Transeuropéennes)
Alain Joxe, directeur d’études (EHESS – CIRPES)
Joëlle Marelli, traductrice
Nadia Tazi, rédactrice en chef (Intersignes)
Emmanuel Terray, professeur d’anthropologie
et avec
les éditions La Découverte et la Revue d’Etudes Palestiniennes

Argumentaire du collectif

« Depuis le début de la seconde Intifada, à l’automne 2000, les prises de position en France se sont multipliées pour dénoncer la répression violente de l’Etat d’Israël contre les populations civiles palestiniennes. En Palestine et en Israël aussi, des femmes et des hommes en appellent fortement à la nécessité de se référer rigoureusement au droit international et aux principes des droits de l’homme qui le fondent. Ils en appellent à restaurer la politique contre les
logiques ethnico-religieuses. Ils sont longtemps restés inaudibles. Leurs actions commencent à peine à trouver un écho.

Au débouché des accords d’Oslo désormais lettres mortes, les Palestiniens tant en Palestine qu’en Israël ont été dissociés d’eux-mêmes et des autres, exclus, en termes de droits politiques, économiques, sociaux. Les Palestiniens des “ territoires ” sont encerclés, partagés, immobilisés, paupérisés, spoliés. Une politique d’écrasement et d’humiliation des forces politiques et de la représentation légitime de l’Autorité palestinienne est désormais en cours.
Aujourd’hui, les Palestiniens se voient abandonnés, et les Israéliens qui militent contre la colonisation et ses violences sont encore marginalisés par la capacité du discours étatique à faire fonctionner d’efficaces ressorts de légitimation auprès du grand public israélien. Pourtant le mouvement qui s’oppose à cet état de fait va croissant et ses modes d’action se diversifient. Son avenir repose en grande partie sur la manière dont il sera relayé et rendu visible à un niveau international.

C’est pourquoi un collectif s’est constitué en juin 2001. Il s’est donné pour objectif demener une série de rencontres afin d’exposer publiquement les faits en Palestine / Israël. Composé notamment des revues de pensée critique Transeuropéennes, Intersignes, Lignes, Revue d’Études Palestiniennes, des éditions La Fabrique et La Découverte, de la Ligue des Droits de l’homme et de la Fédération Internationale des Droits de l’homme, il se propose d’offrir une
audience à des personnalités israéliennes et palestiniennes de la société civile. Parce qu’ils conduisent, à partir d’une expérience ou de compétences spécifiques, un travail d’observation et d’analyse des données locales, ces chercheurs et universitaires, professionnels de terrain, militants d’ONG et artistes permettront de dépasser le registre du débat d’opinion et d’apporter de nouveaux éléments d’information, de réflexion et d’action.

Dans le droit fil de la dynamique de convergence qui a donné naissance au collectif invitant, il s’agira aussi de rendre visible l’existence possible et effective de “ convergences ” entre des individus et des organisations issus d’Israël comme de Palestine soucieux d’affirmer une perspective politique commune. »

Paris, hiver 2001/2002

Calendrier du programme

15 mars 2002 Cartographies de l’affrontement

avec : Shmuel Groag, Ihab Abou Gosh(contribution écrite), Lina Yassin,
Oren Yiftachel, Jamal Zahalka, Jan de Jong
Modératrice : Ghislaine Glasson Deschaumes ; discutant : Alain Joxe
Excusés : Khader Shkirat,, Dr Eyad El Sarraj

12 avril 2002 Inventaire comparé des droits

avec : Aeyal Gross, Bernard Botiveau, Hassan Jabareen, Yossi Yonah,
Ameer Makhoul, Khader Shkirat
Modérateur : Driss El Yazami
Excusé : Ayman Rabi

24 mai 2002 Imaginaires et représentations

Avec : Tania Forte ; Eyal Sivan ; Ella Shohat ; Musa Budeiri; Amnon Raz-
Krakotzkin
Modératrice : Joëlle Marelli
Excusé : Hassan Khader

20 juin 2002 Réfugiés, diasporas, migrations

Camille Mansour ; Ghassan Abdallah ; Mohamed Kamel Doraï ;
Elias Sanbar
Michel Warschawski ; Henri Goldman; Sari Hanafi ; Adi Ophir
Modérateur : Etienne Balibar

Conclusions générales

Fondé en juin 2001 en réponse à l’escalade du conflit israélo-palestinien depuis la fin de l’été 2000, le collectif Convergences Palestine / Israël a mené son premier programme d’action au printemps 2002, grâce au soutien du Ministère français des Affaires étrangères, au concours du Théâtre Paris-Villette, ainsi qu’à l’appui de l’Etablissement Public du Parc et de la Grande Halle de la Villette et de l’hebdomadaire Télérama. Le projet a en outre bénéficié de la contribution logistique de Transeuropéennes et de la Ligue des droits de l’homme.

Les quatre rencontres publiques du collectif Convergences Palestine/Israël ont été réalisées dans une période d’aggravation absolue du conflit : un grand nombre de villes palestiniennes étaient bouclées et assiégées, les ONG palestiniennes étaient affaiblies par les arrestations et les destructions de locaux. En Israël, d’une part les attentats suicides contre les civils se multipliaient, d’autre part les militants des droits de l’homme, de la paix et de la justice
comme celles des intellectuels critiques étaient fortement marginalisées. Au cours de ce printemps 2002 en France, le débat était rendu quasi impossible du fait de la communautarisation des prises de position, et du refus de toute distance critique. Un espace devait être ouvert en France pour informer à nouveau, en profondeur, pour proposer aussi des perspectives nouvelles sur les données du conflit, sur l’évolution des sociétés palestinienne et israélienne, et enfin pour créer un espace de réflexion où chacun puisse être non seulement entendu et écouté, mais amené à se
placer en position d’écoute.

Ainsi, en quatre séances, 24 intervenants d’Israël et de Palestine, mais aussi de Belgique, des Etats-Unis, des Pays-Bas, ont répondu favorablement à l’invitation du collectif, s’asseyant de longues heures durant les uns à côté des autres pour rendre compte de leurs situations respectives et pour informer le public français. Ils ont aussi partagé entre eux l’information et échangé des points de vue, alors même qu’ils n’avaient plus eu la possibilité de se rencontrer depuis le début de la deuxième Intifida en septembre 2000. Les rapports détaillés qui suivent rendent compte de la densité des débats.

Malheureusement, la situation de siège et de conflit a entraîné de nombreuses absences parmi les intervenants palestiniens, certains renonçant en amont à participer aux rencontres à Paris par crainte de laisser leurs proches et collègues en situation périlleuse, d’autres par impossibilité physique de se déplacer (bouclages successifs, etc.) Ainsi, outre cinq annulations de dernière minute consécutives aux entraves à la libre circulation, le collectif a dû déplorer l’absence de près d’une dizaine d’intellectuels, avocats, ingénieurs, responsables d’ONG palestiniens ayant
renoncé au voyage.

Accueillant à chaque séance entre 110 et 130 personnes, les séances du collectif Convergences Palestine / Israël ont marqué par la haute tenue des interventions tout autant que des discussions. Malgré la vivacité de ton de certaines interventions ou de certaines questions, le public a su se situer à un niveau qui n’était pas celui de l’affrontement, mais de l’effort commun d’appréhension et de compréhension de réalités complexes, multiformes, parfois contradictoires. L’espace laissé au travail critique a été dense, et respecté de tous.

L’un des buts de cette action était de sensibiliser les « mulitiplicateurs d’opinion » en France aux réalités du conflit, et de mettre à leur disposition des outils d’analyse nouveaux, s’éloignant des clichés. A chacune des quatre séances, la présence dans le public de nombreux universitaires, artistes de théâtre, de cinéma documentaire, d’écrivains, mais aussi de diplomates et de hauts-fonctionnaires a permis d’atteindre cet objectif, suscitant ensuite de nouvelles initiatives extérieures au collectif.

Entre Palestiniens et Israéliens, ce sont aussi des fils qui ont été retissés, quand ils avaient été défaits sous la pression des événements, voire tissés, dans le cadre des séances. Informels, sans prétention aucune à une fonction para-diplomatique, ces moments de rencontre ont ravivé la possibilité d’échanges précis et rigoureux sur le moment présent, qui sont profondément nécessaires en France voire en Europe, les conjectures sur le futur et la paix restant, à la période du printemps 2002, de l’ordre de l’impossible.

Respectant cette réalité, tentant avant tout de livrer une description à plusieurs voix des réalités cartographiques, physiques et psychologiques, politiques, sociales et économiques et humanitaires, des modes de représentation et des imaginaires, les membres du collectif se sont voulus médiateurs, créant tant les conditions d’une écoute et d’une parole non lénifiantes, parfois âpre, toujours exigeante.

été 2002