Après Foucault – L’épistémologie sociale face aux savoirs anciens et nouveaux

Nenad MIŠČEVIĆ

Traducteur : RENAULT Didier


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I) Introduction : lire Foucault sur le savoir et la vérité

Comment devons-nous penser le savoir et les savoirs, anciens et nouveaux1 ?

Les savoirs nouveaux posent la question avec urgence. Devrions-nous chercher de nouveaux faits et les vérités qu’ils contiennent ? Après tout, ils sont nombreux à inclure la vérité dans la définition même du savoir, tandis que d’autres s’y opposent vivement. Devrions-nous à la place examiner leur fonctionnement social ? Ou faire les deux ? L’épistémologie sociale du savoir récent ne sera accessible que dans un futur éloigné ; nous pourrions cependant trouver une aide et des inspirations dans les grandes analyses de savoirs plus anciens.

            Dans le contexte français, le maître penseur* de cette thématique est Foucault, je propose par conséquent de jeter un regard sur sa proposition originale et sur le destin qu’elle a rencontré dans la génération suivante, qui est d’ailleurs la mienne. Nous pouvons traiter son « savoir assujetti » comme une espèce de « savoir nouveau ». L’œuvre de Foucault a fait l’objet de discussions depuis des décennies, je me propose ici soulever quelques questions de principes, portant sur les fondements mêmes de notre intérêt pour le savoir. Je veux signaler une dualité chez Foucault : d’une part, la passion d’une « érudition constante », « patiemment documentaire2 », et pour la « connaissance du détail », de l’autre, contrastant avec elle, la subversion des notions mêmes de savoir et de vérité. Foucault lui-même s’est efforcé de réconcilier les deux dimensions par l’idée du bon savoir assujetti au pouvoir. Après Foucault, on n’a pas suffisemment reconnu et souligné cette dualité et sa réconciliation, c’est pourquoi je souhaiterais le faire ici. Cela pourrait jeter quelque lumière sur les manières dont nous traitons les savoirs, nouveaux comme anciens. La première tendance, pour mieux dire la passion pour la vérité, est particulièrement puissante dans sa reconstruction monumentale de l’histoire réelle du pouvoir (Histoire de la folie et Surveiller et punir), la seconde dans ses œuvres davantage méthodologiques et réflexives.

            Cette dernière tendance a également été menée à son paroxysme par la génération suivante, avec les théories déconstructionnistes de l’histoire. La dualité entre la passion du savoir et la passion de sa déconstruction provoque des tensions, et les successeurs de Foucault ont dû faire des choix. C’est toujours le cas pour nous. Admettons que nous nous trouvions confrontés à quelque chose qui ressemble à la configuration d’un savoir nouveau. Devons-nous le traiter avec respect et admiration, y rechercher d’importantes vérités cachées, apprendre de lui et accumuler davantage de connaissances ? Ou devons-nous le déconstruire, rejeter l’idée qu’il puisse s’agir d’un élément de savoir objectif, jugé par un observateur ou par un lecteur désintéressé, qu’il offre un degré de certitude raisonnable sur le thème dont il relève, et qu’il n’est pas un élément de fiction ou de simple idéologie, toutes possibilités que récuse le « Foucault » anti-objectiviste tel que le comprennent certains de ses interprètes ? Le respect et l’admiration sont des attitudes louables chez un chercheur, mais paraissent culturellement moins attrayants, tandis que la seconde attitude semble radicale, révolutionnaire et intéressante, et c’est souvent sur cette base qu’elle est choisie.

            Telle est la question que je me propose de discuter dans cet article, en me concentrant sur Foucault, comme point de départ et comme guide. La section suivante explore les deux passions pour le savoir, positive et négative, admirative et subversive. Elle culmine en une esquisse de la tentative de Foucault de réconcilier les deux par sa théorie du bon savoir assujetti. La troisième partie examine la postérité déconstructionniste et s’efforce, grâce à elle, de diagnostiquer le problème. La conclusion, à nouveau, propose un choix entre trois approches des savoirs anciens et nouveaux. C’est au lecteur qu’il appartient de faire son choix entre elles.

 

II) Les deux jeux  de la vérité

1) Attitudes et passions épistémiques : cumul du savoir contre subversion du savoir

Rappelons-nous le commencement de Surveiller et punir : trois pages entières d’une description documentaire détaillée du supplice de Damiens3. C’est peut-être là l’exemple le plus célèbre du génie de Foucault en tant qu’historien, sa capacité à débusquer et à reconnaître des documents cruciaux, puis à les interpréter de manière créative et surprenante. De nombreux lecteurs en sont venus à apprécier son œuvre par l’intermédiaire de ce matériau documentaire, en prenant ces documents pour des illustrations pertinentes de ce qui avait effectivement lieu, des faits historiques. C’est cette richesse documentaire qui a suscité l’admiration de nombreux lecteurs de Foucault. Ces réussites en matière de recréation historique lui ont valu le soutien de Georges Dumézil et Jules Vuillemin, ainsi qu’une chaire au Collège de France4. Ce serait donc un choc et une surprise si l’on découvrait que L’Histoire de la folie est une œuvre de fiction,  que Foucault a simplement élaboré une histoire « comme si ». On ne s’étonnera pas qu’il souligne lui-même l’importance des documents pour sa méthode généalogique :

La généalogie est grise ; elle est méticuleuse et patiemment documentaire. Elle travaille sur des parchemins embrouillés, grattés, plusieurs fois récrits5

 

            Foucault affirme avec force que « la généalogie exige donc la minutie du savoir, un grand nombre de matériaux entassés6 ». Nous appellerons cette approche « cumul du savoir ». Elle n’est naturellement pas la seule approche que l’on rencontre dans l’œuvre de Foucault, elle y est en effet associée à son opposé, la subversion du savoir. Certains commentateurs considèrent la tendance militante, subversive, comme essentielle à la généalogie en tant que telle. Le slogan alternatif est « pouvoir-savoir » : pouvoir et savoir s’impliquent mutuellement, « il n'y a pas de relations de pouvoir sans constitution corrélative d'un champ de savoir », et plus important encore, il n’est pas de « savoir qui ne suppose et ne constitue en même temps des relations de pouvoir7 ». La perspective critique est accompagnée de la célèbre problématisation de la vérité, où elle n’est constituée que par le pouvoir et la contrainte :

La vérité est de ce monde ; elle y est produite grâce à de multiples contraintes. […] Dans des sociétés comme les nôtres, l’ « économie politique » de la vérité est caractérisée par cinq traits historiquement importants […]8.

            Ces cinq traits sont les suivants : premièrement, la « vérité » (les guillemets sont de Foucault) est centrée sur des formes de contraintes. Deuxièmement, elle induit « des effets réglés de pouvoir ». Troisièmement, « chaque société a son régime de vérité, sa ‘politique générale’ de la vérité ». Quatrièmement, elle « est l’objet […] d’une immense diffusion et consommation (elle circule dans des appareils d’éducation ou d’information […]) ; elle est produite et transmise sous le contrôle non pas exclusif mais dominant de quelques grands appareils politiques ou économiques […] ». Cinquièmement, « elle est l’enjeu de tout un débat politique et de tout un affrontement social […]9».

            Tous ces traits sont encore compatibles avec l’objectivité de la vérité. Prenons par exemple cette vérité : « L’Amérique dispose de l’arme nucléaire », autrement dit une proposition vérifiée avec certitude en 1945. Naturellement, elle a été rigoureusement contrôlée par l’armée, de même que la vérification, et l’acquisition de la vérité, ont été très rigoureusement observées et rapportées. Et après Hiroshima, elle est devenue « l’enjeu d’un débat politique et d’un affrontement social ». Mais tout cela a eu lieu parce que c’était une vérité, et non une information erronée. Les cinq traits ne contredisent donc pas nécessairement le caractère de vérité objective de la « vérité ». C’est ce que Foucault semble parfois reconnaître. Cependant, sa proposition de réinterpréter la vérité en termes procéduraux indique une autre direction :

            La « vérité » doit être comprise comme un système de procédures ordonnées pour la production, la régulation, la distribution, la circulation et l’opération d’affirmations. La « vérité » est liée à une relation circulaire avec les systèmes de pouvoir qui la produit et la conforte10.

            De ce fait, la question « en est-il réellement ainsi » est passée sous silence. Le lecteur est amené à penser qu’il ne s’agit pas de prendre en considération la correspondance avec la réalité, mais la « régulation, distribution, circulation et opération d’affirmations ». L’opposition entre le vrai et le faux est vu comme un système d’exclusion. Mais Foucault est subtil :

            Certes, si on se place au niveau d’une proposition, à l’intérieur d’un discours, le partage entre le vrai et le faux n’est ni arbitraire, ni modifiable, ni institutionnel, ni violent. Mais si on se place à une autre échelle, si on pose la question de savoir quelle a été, quelle est constamment […] cette volonté de vérité […] alors c’est peut-être quelque chose comme un système d’exclusion […] qu’on voit se dessiner.11

            Il s’agit donc ici de la célèbre seconde attitude face au savoir et à la vérité, celle de la subversion du savoir. Elle pointe en direction d’une sorte de pan-archisme : tout savoir et toute vérité sont des constructions d’un pouvoir : « le pouvoir et le savoir s’impliquent directement l’un l’autre ».

            Nous avons vu que la grande œuvre historique de Foucault donne le choix à son lecteur. À un premier niveau, l’histoire qu’écrit Foucault est méticuleuse, brillamment documentée, procédant par cumul de connaissances, tandis qu’à un second niveau plus réflexif, elle est souvent déconstructrice (voire destructrice), subversive du savoir, parfois négatrice de l’intérêt passionné de la vérité tout à fait caractéristique du premier niveau. Dans ses diverses activités, Foucault était manifestement fidèle à ces deux passions relatives au savoir. La seconde d’entre elle est abondamment documentée dans ses ouvrages théoriques, aussi bien qu’attestée par ses prises de position politiques.

            Le contraste entre ces deux passions, celle de du cumul et celle de la subversion, et les orientations de pensée qu’elles suggèrent, a été remarqué très tôt, notamment par Charles Taylor dans son livre Foucault on Freedom and Truth (1984). Je cite un exemple simple, peut-être exagérément simplificateur, mains néanmoins relativement typique, de l’image d’un Foucault exclusivement voué à la subversion du savoir, selon laquelle « Foucault n’essayait pas même de déterminer ce qui est vrai ou faux », ainsi que l’écrit Jeremy Campbell dans son livre The liar’s tale : a history of falsehood.

            Foucault soulignait que la vérité est produite par le pouvoir, que chaque société a un « régime » de vérité qui lui est particulier, ce qui est une déformation entièrement idiosyncrasique du concept classique de la vérité. Il évoquait aussi l’art de ne pas être gouverné en tant que clé de la découverte de la vérité, en échappant à la juridiction du pouvoir, comme les sectes dissidentes pendant la Réforme, par une « désobéissance réfléchie »12.

            On notera immédiatement une contradiction : selon la première phrase, la vérité, et l’on peut supposer toute vérité, est produite par le pouvoir, tandis que dans la seconde nous « découvrons » la vérité quand nous sommes émancipés du pouvoir. Et bien entendu, l’idée que Foucault n’aurait pas même essayé de déterminer ce qui est vrai et faux est difficile à concilier avec son œuvre archéologique brillamment documentée et érudite. Il nous faut donc noter la tension entre les deux « jeux de vérité » présents chez Foucault, celui du cumul du savoir et celui de sa subversion. C’est ainsi que se pose le problème du savoir qu’il lui faut affronter. La seconde passion, destructive et subversive, s’est imposée au fur et à mesure à l’attention du public, mais pour Foucault, la première, celle du cumul du savoir, avait une importance cruciale.

 

2. Le nouveau savoir assujetti. La solution de Foucault au problème du savoir

C’est ce que nous pouvons constater en examinant les deux contextes dans lesquels apparaîssent l’idée de « bon » savoir et de vérité. Le premier est l’introduction du concept de « savoir assujetti », le second la discussion du discours de vérité, la parrhésie. Le premier contexte est crucial pour diverses raisons : il porte sur l’activisme politique, l’évaluation (ou laréévaluation) positive du savoir et de la vérité, et comporte un clin d’œil en direction de Marx. Il constitue aussi un lien avec notre thématique : certains des « nouveaux savoirs » sont-ils des exemples de « savoir assujettis » ?

            Dans Il faut défendre la société, Foucault évoque, dans une formule devenue célèbre, les « retours de savoir13 ». Ce savoir retrouvé est positif, affirmatif, et même précieux : c’est un savoir assujetti, « un savoir local, régional, un savoir différentiel, incapable d’unanimité », et qui « ne doit sa force qu’au tranchant qu’il oppose à tous ceux qui l’entourent14 ». Dans un contexte clinique, les exemples en sont les savoirs « […] du psychiatrisé, celui du malade, celui de l’infirmier, celui du médecin »15. Certains d’entre eux sont des savoirs « naïfs » ou « hiérarchiquement inférieurs16 », marginalisés et socialement disqualifiés. Ce savoir, écrit Foucault, peut être mis côte à côte avec le savoir érudit, ce qui sauverait la face de l’activité de cumul du savoir. Le savoir local d’un patient et cette « […] connaissance historique  méticuleuse, exacte, technique17 » de l’érudit sont destinés à coexister, et doivent s’allier dans la lutte politique. À titre d’exemple, c’est la connaissance érudite qui a mis au jour le contenu historique des asiles et en a par conséquent rendu possible une critique efficace. Il semble que la vérité ait ici une fonction émancipatrice : une critique efficace devient possible lorsqu’on a identifié le contexte historique réel. Une fois cela fait, il devient possible de s’allier avec les victimes du pouvoir, avec ceux qui sont en possession du bon savoir local assujetti. Il est désormais possible d’échapper à l’opposition entre cumul du savoir et subversion du savoir, et de réconcilier les deux tendances : de subvertir le mauvais savoir/pouvoir et d’accumuler le bon savoir assujetti.

            On peut situer cette solution au problème du savoir sur un atlas historique. Foucault était fortement critique de la tradition marxiste. Cette dernière avait présenté le tableau optimiste du cercle vertueux d’une « conscience de classe », dont Lukács avait donné la formulation classique dans les années 1920. Selon cette conception, le point de départ est une position de classe juste, ou correcte, de la classe ouvrière ; associée aux travaux des intellectuels, cette position offre des aperçus universels adéquats des injustices, et de la réalité sociale objective dans son ensemble ; ces aperçus sont des guides de l’action appropriée, ce qui améliore encore la position de classe, aux plans épistémiques et stratégiques, ce qui renforce à son tour la pertinence des aperçus. C’est là le cercle vertueux de l’histoire, auquel Althusser a ajouté une dimension objectiviste.

            La théorie du « bon » savoir assujetti comporte un optimisme identique : elle commence par la position subordonnée, moralement admirable, de ceux que l’on a marginalisés ; cette position leur permet d’apercevoir la vérité des méfaits du pouvoir ; en associant cela à la recherche érudite, on peut se procurer une compréhension adéquate des injustices, ce qui permet de les critiquer ; cette compréhension guide la stratégie correcte dans les luttes politiques, ce qui améliore encore la position initiale, dans un cercle vertueux où subordination, savoir assujetti et émancipation participent à l’obtention de la vérité.

            C’est là le premier tableau de la relation entre vérité et savoir, un tableau positif, peut-être le plus important. Le second est plus historique, et il apparaît, comme on le sait, dans le contexte des recherches tardives de Foucault sur le concept de parrhesia des Grecs antiques. « Parresiazesthai » signifie « dire la vérité ». Foucault pose cette question fondamentale : « Mais le parrhésiaste dit-il ce qu’il croit être vrai, ou dit-il la vérité ? ». Et sa réponse est la suivante : « Selon moi, le parrhésiaste dit vrai parce qu’il sait que c’est vrai ; et il sait que c’est vrai parce que ça l’est réellement18 ».

            Foucault, qui a pratiquement soutenu l’idée que la vérité est un artefact du pouvoir, se rallie ici à l’approche centrée sur la vérité. « Le parrhésiaste n’est pas seulement sincère, en exprimant son opinion, mais son opinion est aussi la vérité. Il dit ce qu’il sait être vrai19». En outre, cette approche est aussi centrée sur le savoir, puisque les deux coïncident : « La seconde caractéristique de la parrhésie est qu’il y a toujours une coïncidence rigoureuse entre croyance et vérité.20 » Foucault est parfaitement à l’aise avec l’idée que le savoir fondé sur la croyance et la vérité peuvent coïncider de la sorte. Il y a là de quoi surprendre ceux de ses lecteurs accoutumés à l’idée que la vérité est une construction, un simple produit du pouvoir mis en discours, et que la connaissance est ce pouvoir. Dans le contexte épistémologique de l’Antiquité grecque, croyance et vérité coïncident brillamment dans la pratique verbale.

            La théorie du bon savoir assujetti et la conviction que la coïncidence entre la croyance et la vérité est possible relèvent toutes deux de l’orientation qui valorise le savoir, la vérité, et donc le cumul des savoirs. Elle correspond parfaitement à l’image du Foucault archéologue, savant, et dont l’érudition se fait l’alliée des révoltes des groupes marginalisés.En revanche, elle ne correspond pas à la proposition de subversion du savoir dans toute sa force. Si la vérité et la croyance peuvent coïncider, s’il arrive qu’elles coïncident effectivement, si le savoir est utile, et même précieux, ce n’est alors pas la connaissance, mais les croyances erronées qu’il convient de subvertir, comme le professe, depuis Socrate, la tradition des « Lumières » (Enlightment). Les deux tendances de la présentation socio-épistémologique de Foucault tirent donc dans des directions différentes, comme les deux chevaux de l’image de l’âme de Platon. L’objectif de l’érudition est attirant pour les esprits portés vers la recherche, celui de la subversion attire les critiques sociaux révolutionnaires (authentiques ou autoproclamés). Foucault a été capable de maîtriser les deux chevaux, mais les auriges doués de ce talent sont fort rares dans le monde universitaire. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas la ligne du cumul du savoir qui a fait de Foucault une vedette de la scène culturelle, mais plutôt l’orientation opposée.

 

III La postérité de la subersion du savoir

Observons maintenant cette ligne opposée, qui a connu un large succès culturel. On peut la résumer par la formule pouvoir/savoir21, et en donner cette image sommaire : le pouvoir produit le sujet, l’État, la connaissance et la vérité. Et ce « mauvais » savoir/pouvoir doit être subverti. Tout est construction, déclarent ses partisans (cf. par exemple Judith Butler22, Leonard M Hammer23 et Steven Best24). Nous examinerons en particulier les auteurs déconstructionnistes qui se préoccupent essentiellement de sonder plus profondément, en historiens, l’œuvre de Foucault. Nous prendrons ici pour guide Alun Munslow, qui, dans son ouvrage Deconstructing History25, opte nettement en faveur de l’alternative de la subversion radicale du savoir :

            Cette vision de l’histoire postmoderne ne se contente pas de rejeter la fable de la théorie correspondantiste, qui maintient que la « vérité » existerait « quelque part », mais elle récuse également la croyance reconstructionniste en un récit transparent qui permettrait à la vérité historique d’émerger comme si elle existait au-delà de sa description. Foucault répudie par conséquent les mythes grossiers qui découlent de cette position générale : le culte des faits bruts, les historiens désintéressés, l’objectivité, le progrès, la stabilité, la continuité, la stabilité, les racines, et les distinctions entre histoire, idéologie, fiction et perspective. Il rejette, pour employer ses propres termes, la volonté de vérité de l’empirisme.26

            Telles que les présente Munslow, les motivations déconstructionnistes sont nobles : elles visent à subvertir le pouvoir en sapant sa prétention à la vérité historique. Cette prétention abusive a un nom, et il définit « l’ambition de l’histoire moderniste » comme  « la prétention de l’histoire à représenter la réalité du passé, et à travers elle, l’affirmation qui en découle que l’explication pourrait être d’une certaine manière complète, ou raisonnable, ou réaliste. » Mais ce noble dessein de subvertir le pouvoir/savoir implique de renoncer à bien des choses. On se rappellera de ce point de vue l’engagement de Foucault en faveur de la « recherche sérieuse ». Est-il compatible avec le renoncement à l’idée que l’explication de l’historien puisse être raisonnable, comme le suggère la citation précédente ? Peut-on se livrer à une recherche sérieuse sans s’efforcer de représenter la réalité du passé ? En outre, les déconstructionnistes, et Munslow en particulier, considèrent que Foucault

[…] soutient que l’histoire n’est jamais objective […] il en résulte […] que l’historien doit se garder de toute prétention à une objectivité désintéressée et empiriquement garantie qui outrepasse les frontières de l’horizon culturel dans lequel il/elle vit.27

            Munslow soutient donc que pour Foucault, l’objectivité est un mythe. Il en résulte que lorsqu’il écrit l’histoire, l’historien ne devrait nullement se soucier d’objectivité ; à quoi bon se préoccuper d’une exigence mythique ? En un sens, cette recommandation incite à la modestie : ne pensez pas que vous puissiez être objectif, puisque vous êtes tributaire de votre contexte culturel et de nombreux autres facteurs que vous ne contrôlez pas ! Selon l’argument de Munslow, puisque l’histoire est une construction, puisque nous sommes impliqués en elle, il serait vain de conclure que nous pouvons nous placer en dehors d’elle. Mais si on le prend au pied de la lettre, ce conseil dit seulement que l’objectivité est un mythe, et non une norme pour l’historien, comme on l’avait cru. Le caractère problématique de ce conseil apparaît alors immédiatement. Prenons par exemple l’œuvre des historiens européens luttant contre les représentations nationalistes de l’histoire. Ils enseignaient à leurs étudiants que l’objectivité est une valeur élevée : que vous soyez Français, Croate ou Bulgare, écrivez de manière impartiale sur les événements qui font l’objet de votre intérêt. Gardez-vous de plaider pour votre chapelle ! Renoncer à l’objectivité  aurait été fatal à cette précieuse entreprise.

            « À quel titre devrais-je cesser de me soucier d’objectivité ? » pourrait demander notre historien antinationaliste. « Bien sûr, je ne pourrai jamais être entièrement objectif, mais je puis au moins m’y efforcer, et quel mal y a-t-il à cela ? ». Les déconstructionnistes ont la réponse à cette question : « Le raisonnement qui sous-tend cette position est l’attaque réitérée de Foucault à l’égard de la croyance déconstructionniste dans la représentation adéquate de la réalité par l’intermédiaire de la forme narrative28 ». Et il en découle cette exigence fondamentale :

La condition essentielle est que les faits historiques doivent être compris au premier chef comme des créations discursives épistémiques tout autant des acteurs du passé que de l’historien, écrites en tant que la relation que l’historien croit exister entre les mots et les choses dans chacune des epistémés qu’il étudie.29

            Un fait historique serait donc une création épistémique des acteurs du passé et de l’historien. La bataille du Kosovo a eu lieu parce que les Serbes et les Ottomans médiévaux en ont eu une compréhension épistémique, et que les historiens ont ajouté leurs constructions à cette première strate. Mais ne laisse-t-on pas ainsi le champ libre à l’arbitraire ? S’il n’y a pas de faits historiques au-delà des créations épistémiques des observateurs et interprètes, passés ou actuels, qu’est-ce qui nous permet d’évaluer l’exactitude de l’historien ? Munslow a une réponse : il n’y a ici que des protocoles.

            Pour qu’un fait soit exact ou non, il n’est pas nécessaire qu’il y ait une relation de correspondance […] entre le discours et le réel. Si le débat épistémologique est insoluble, il n’y a alors pas de problème pour distinguer les données exactes des données inexactes, ou les arguments défendables des arguments indéfendables. C’est ce que nous ne cessons de faire, avec des protocoles profondément différents dans des domaines différents. Ces protocoles n’en sont pas moins eux-mêmes le produit de l’histoire, dont la logique s’avère, à l’examen, dépendre ‘d’un consensus et d’une construction sociale (rhétorique)’.30

            Il nous suffirait donc de nous conformer aux protocoles existants pour classer les données en données « exactes » et « inexactes ».

            Cette solution pose trois problèmes. Premièrement, l’une des raisons principales de l’attrait intellectuel de l’œuvre érudite de Foucault est le choix de documents qu’il présente, par exemple sur la torture, la punition, etc. Si l’on imagine qu’il n’y a « pas de correspondance » entre ce fragment de discours et le réel, de quelle manière sommes-nous supposés les lire ? Et qu’en est-il des protocoles comme solution ? Le déconstructionniste peut soutenir que le document est exact sans correspondre à des faits quelconques, simplement parce qu’il construit la « réalité » en accord avec les critères des protocoles de la discipline, et qu’il est par conséquent exact dans ce sens. Si nous lisons de cette manière le récit d’un supplice, nous serons amenés à conclure que l’événement a été « construit » en accord avec les critères, et rien de plus.

            Second problème : le respectable objectif de subvertir le pouvoir risque d’être impossible à atteindre si nous renonçons à l’idéal d’objectivité, en raison de puissants mythes historiques. Si la démarche à vocation critique ne peut s’efforcer de prouver la fausseté des mythes, si elle ne peut qu’opposer sa propre partialité à celle des historiens au service du pouvoir, elle n’a aucune chance de l’emporter. Le troisième problème est que le renvoi aux critères et protocoles internes de la discipline n’est pas sans faiblesses. Premièrement, à quoi bon se livrer à de gigantesques recherches s’il suffit d’un consensus ? Deuxièmement, et plus important, Foucault nous enjoint de mettre en question le modèle canonique, afin de découvrir des vérités cachées qu’il occulte. Si ce modèle est tout ce dont nous disposons, qu’il n’y a rien d’autre à découvrir en réalité, pourquoi prendre cette peine ? Et la situation est encore plus grave si l’on prend un groupe particulier d’historiens, mettons par exemple mes compatriotes. Qu’en est-il s’ils sont nationalistes, superficiels et partiaux ? Mais il y a plus grave encore :

            Non seulement l’objectivité est un mythe, mais il serait encore plus important de reconnaître comme une pure et simple impossibilité la théorie moderniste d’une référentialité entre mot(s) et chose (s), entre affirmation (s) et preuve (s).31

            Au sens littéral, la référentialité d’un mot est sa propriété de se référer à un objet. Munslow parle également de la référentialité d’un récit, qu’il définit comme « l’exactitude et la véracité avec lesquelles le récit rapporte ce qui s’est réellement produit dans le passé ». Si je la comprends bien, la phrase citée soutient l’idée suivante : la théorie moderniste (sémantique, philosophie, méthodologie) a affirmé qu’il y avait une relation de référentialité entre mot(s) et chose(s). Le mot « Foucault » se réfère au grand théoricien en personne. Mais cette affirmation est fausse ; les mots ne peuvent se rapporter aux choses, et ils ne le font donc pas. J’appellerai cette interprétation « vision radicale ». Mais si nous nous rappelons ce qu’écrivait Foucault :

            Certes, si on se place au niveau d’une proposition, à l’intérieur d’un discours, le partage entre le vrai et le faux n’est ni arbitraire, ni modifiable, ni institutionnel, ni violent.32

            Pour donner un autre exemple, Foucault insiste sur les événements historiques, et selon lui la généalogie doit « repérer la singularité des événements33 ». Mais comment pouvons- nous suivre son conseil si nous ne pouvons nous rapporter à eux ?

            Selon Munslow, Foucault récuse, et nous prescrit de rejeter, les historiens désintéressés, l’objectivité, le progrès, la stabilité, la continuité, la certitude, les racines, et les distinctions entre histoire, idéologie, fiction et perspective34. Mais cette position ressemble à un négativisme intégral, et soulève de nombreuses questions. Pour commencer, rejeter comme faux certains éléments de cette énumération suggère d’accepter que leurs opposés soient vrais. Si Foucault rejette la continuité, il admet probablement la discontinuité en tant que fait. Ensuite, refuser l’objectivité et les « historiens désintéressés » suggère que selon Foucault, un historien devrait écrire l’histoire en ayant à l’esprit des intérêts particuliers. Rejeter le progrès suggère que nous ne devrions pas considérer l’abolition de l’esclavage comme un progrès par rapport aux sociétés esclavagistes, que les victoires dans les luttes pour faire entendre la voix politique des femmes, pour l’égalité des sexes et des races, n’amènent aucun progrès. Mais alors, à quoi bon lutter ? Rejeter la distinction entre l’histoire et la fiction suggère que l’on peut admettre toutes les fictions comme une histoire digne de ce nom, mais refuser toute vision de l’histoire qui nous déplaît en tant que fiction. Est-ce réellement ce que Foucault aurait suggéré ? Pour résumer, nous sommes confrontés à la menace d’un  cercle vicieux et de l’effondrement final du projet. Comment tout cela est-il arrivé ? Foucault équilibre judicieusement les deux plans : au second niveau, ses remarques critiques sur les discours, en même temps que l’affirmation, au premier niveau, du sérieux et du fondement factuel (documentation, etc) de l’étude généalogique elle-même. La génération suivante est marquée par l’essor de l’anti-réalisme et nous invite à récuser les historiens désintéressés, l’objectivité, le progrès, la stabilité, la continuité, la certitude, les racines, et la délimitation entre histoire, idéologie et fiction. Les déconstructionnistes anti-réalistes tirent les conséquences radicales de l’aspect destructif et radicalement anti-réaliste de la généalogie.

            Pourquoi la généalogie sérieuse ne l’a-t-elle pas emporté ? D’une part, dans un contexte plus argumentatif, la circularité aurait été aperçue à temps. L’emphase rhétorique qui a contrarié la force de l’argument a peut-être été dictée par l’objectif politique radical. Dan Sperber a évoqué (au cours d’une conversation) comme autre facteur possible le concours d’extravagance entre universitaires : quand les lecteurs sont séduits par des affirmations extravagantes, il en résulte une surenchère de nouvelles extravagances.

 

IV. Conclusion : l’épistémologie sociale des savoirs anciens et nouveaux.

Dans ces conditions, comment devons-nous penser le savoir et « les savoirs » ? Et quels devraient être les traits de l’épistémologie sociale des savoirs anciens et nouveaux ? Avec quelles attentes et quelles questions devons-nous faire face aux nouveaux « savoirs » et à leurs ambitions de constituer des savoirs effectifs ? Foucault nous propose trois modèles : celui du cumul du savoir, celui de la pure subversion du savoir, enfin un modèle optimiste, qui préserve le « bon » savoir. Dans les écrits de Foucault lui-même, le double cadre de référence de la généalogie, accumulative et subversive, fonctionne de manière satisfaisante. Au premier niveau, celui où l’on fait réellement œuvre d’historien, c’est le cumul du savoir des historiens-généalogistes qui règne. Comme nous l’avons vu, il y a chez Foucault un contraste tranché entre cette attitude confiante, qui s’efforce de rechercher la vérité et de l’étayer par des documents, et l’anti-réalisme concernant les discours étudiés. De ce point de vue, l’ensemble de ses affirmations va dans le sens d’une profonde méfiance : « tout » discours est contaminé par le pouvoir, et plus encore, partiellement constitué par le pouvoir. Le mot vérité devrait être placé entre des guillemets sceptiques : la prétendue « vérité » est la seule chose dont nous disposions, et cette idéee a été développée par la suite comme un modèle purement déconstructeur et subversif du savoir. Mais Foucault esquisse ensuite un troisième modèle, dans lequel il désigne les « bons » intellectuels comme « érudits » et admire ouvertement leur érudition,  et loue plutôt qu’il ne met en doute l’association de cette dernière avec le « bon » savoir, provenant de l’expérience, des subalternes (infirmièrs, etc.).

            Les admirateurs de Foucault ont donc le choix entre trois options, et non pas deux (de sorte que ma reconstruction n’est pas « binaire » dans le mauvais sens). Celle qui a connu le plus de succès, celle de la pure subversion du savoir, paraît problématique aussi bien pour les savoirs anciens que nouveaux. Lorsque une nouvelle structure de savoir se propose, il est dogmatique de rejeter d’emblée son ambition à la vérité et de l’assimiler immédiatement à une fiction.

            Le modèle opposé, celui de l’accumulation du savoir, semble plus équitable à l’égard des savoirs nouveaux. La première démarche consisterait à s’efforcer de les comprendre, ce qui exige probablement de présupposer qu’ils ont quelque chose d’important à nous dire. Il conviendrait ensuite d’examiner leurs ramifications, plutôt que de se hâter de les déconstruire et de les reléguer au registre de la fiction. C’est peut-être une tâche fastidieuse, mais elle rend certainement davantage justice au matériau en tant que tel que l’approche purement subversive.

            Enfin, nombreux sont ceux qui accorderaient leur préférence au troisième modèle, celle qui marie le bon savoir assujetti et la noble érudition. Malheureusement, ce tableau est peut-être trop optimiste. Premièrement, tous les « savoirs » locaux et marginalisés ne sont pas forcément bons. Beaucoup d’entre eux sont contaminés par des stéréotypes effectivement nuisibles. D’autres se contentent d’être moralement neutres, et ne sont pas nécessairement bons. Et à l’inverse, un certain nombre de savoirs nouveaux peuvent s’avérer n’être ni assujettis, ni bons (et a fortiori pas les deux en même temps). En fin de compte, le modèle du cumul du savoir pourrait être l’option la plus raisonnable.

 

 

 

Ouvrages cités

 

Œuvres de Michel Foucault

 

(1971-2), "Théories  et  institutions  pénales",  Annuaire du Collège de France,  1971–72, Paris 1971.

(1980), Power/knowledge,  Pantheon Books, New York.

(1981), The Order of Discourse , in Robert Young Untying the text: a post-structuralist reader ,Routledge.

(1988), Madness and  civilization  Vintage Books.

(1991), Discourse and Truth: The Problematization of Parrhesia, ed. Pearson, J. Semiotexte.

(2005), About The Beginnings Of The Hermeneutics Of The Self: Two  Lectures At Dartmouth” in Atkins, Kim (Ed.), Self and Subjectivity, Blackwell.

(2006), Chomsky Noam and Foucault Michel, Chomsky Foucault Debate, The New Press.

(2008), Il faut défendre la société. Columbia University Press.

Rabinow, Paul (1984), The Foucault reader. Pantheon Books, New York.

 

Œuvres d’autres auteurs

 

Best, Steven (1995),  The politics of historical vision, The Guilford Press.

Bove, Paul (1988), Foreword: The Foucault Phenomenon: the Problematics  of Style Deleuze, Gilles. Foucault,  University of Minnesota Press.

Brown Wendy, (2006), Power After Foucault in Oxford Handbook of Political Theory Dryzek John S., Honig Bonnie and Phillips Anne (Eds.), Oxford University Press.

Butler, Judith (1990), Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, New York: Routledge.

Campbell  Jeremy (2001), The liar's tale: a history  of falsehood, W. W. Norton & Company.

Connolly, William E., Foucault, and truth in his Democracy, pluralism and political theory, Edited by Samuel A. Chambers and Terrell Carver 2008, Routledge.

Eribon, Didier, (1991), Michel Foucault, Harvard University Press.

Hammer, Leonard , (2007), A Foucauldian Approach to International Law, Ashgate.

Merquior, Jose Guilherme. (1985), Foucault. University  of California  Press.

Munslow, Alun (1997) Deconstructing history, Routledge.

Porpora  Douglas V (2004) Objectivity and phallogocentrism in Margaret S. Archer and William Outhwaite (Eds.), Defending Objectivity Essays in honour of Andrew Collier, Routledge.

Roudinesco, Elisabeth, 2008, Philosophy in turbulent times, Columbia University Press.

Taylor, Charles (1984) “Foucault on Freedom and Truth,”  Political Theory 12 (May 1984).

1Je tiens à remercier ici Rada Iveković, David Weberman, Dan Sperber and Ana Smokrović.
2Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », in Hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971, pp. 145-172, p.145. 
3M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 8-12.
4Didier Éribon, Michel Foucault, Paris, Flammarion, 1989, p. 227.
5Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », op.cit., p. 145.
6Ibid.
7M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 32.
8Noam Chomsky, Michel Foucault,  The Chomsky Foucault Debate, New York, The New Press, p. 168. Michel Foucault, « La crise dans la tête », entretien, in l’Arc n° 70, 1977, p. 22-26.
9Ibid, p. 169.
10Ibid., p. 170.
11M .Foucault, L’Ordre du discours, leçon inaugurale au collège de France du 2 décembre 1970, Gallimard, Paris, 1971, p. 16.
12Jeremy Campbell, The Liar’s Tale ; A History of Falsehood, Londres-New York, Norton, 2001, p. 296. 
13M. Foucault, Il faut défendre la société. Cours au collège de France 1975/76, Paris, Seuil-Gallimard, 1977, p. 8.
14Ibid., p. 9.
15Ibid.
16Ibid.
17Ibid.
18M. Foucault, Discourse and Truth ; The Problematization of Parrhesia, Six conférences à l’Université de Californie de Berkeley, Oct. Nov. 1983, éd. J. Pearson, 1985, p. 14.
19Ibid.
20Ibid.
21M. Foucault, Power/knowledge, Selected Interviews and Other Writings, NewYork, Pantheon Books, 1980.
22Judith Butler, Gender Trouble ; Feminism and the Subversion of Identity, NewYork, Routledge, 1990.
23Leonard M. Hammer, A Foucauldian Approach to International Law. Descriptive Thoughts for Normative Issues, Aldershot, Ashgate Press, 2007.
24Steven Best, The Politics of Historical Vision : Marx, Foucault, Habermas,  NewYork, The Guilford Press, 1995.
25Alan Munslow, Deconstructing History, Routledge, Londres 1997.
26Deconstructing History, op.cit., p. 124.
27Ibid.
28Ibid., p. 123.
29Ibid., p. 126.
30Ibid., p. 128.
31Ibid., p. 123.
32Cf. supra, note 11.
33M. Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », loc.cit., p. 145.
34A. Munslow, Deconstructing History, op.cit., p. 127.

notes

1Je tiens à remercier ici Rada Iveković, David Weberman, Dan Sperber and Ana Smokrović.
2Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », in Hommage à Jean Hyppolite, Paris, PUF, 1971, pp. 145-172, p.145. 
3M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 8-12.
4Didier Éribon, Michel Foucault, Paris, Flammarion, 1989, p. 227.
5Michel Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », op.cit., p. 145.
6Ibid.
7M. Foucault, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 32.
8Noam Chomsky, Michel Foucault,  The Chomsky Foucault Debate, New York, The New Press, p. 168. Michel Foucault, « La crise dans la tête », entretien, in l’Arc n° 70, 1977, p. 22-26.
9Ibid, p. 169.
10Ibid., p. 170.
11M .Foucault, L’Ordre du discours, leçon inaugurale au collège de France du 2 décembre 1970, Gallimard, Paris, 1971, p. 16.
12Jeremy Campbell, The Liar’s Tale ; A History of Falsehood, Londres-New York, Norton, 2001, p. 296. 
13M. Foucault, Il faut défendre la société. Cours au collège de France 1975/76, Paris, Seuil-Gallimard, 1977, p. 8.
14Ibid., p. 9.
15Ibid.
16Ibid.
17Ibid.
18M. Foucault, Discourse and Truth ; The Problematization of Parrhesia, Six conférences à l’Université de Californie de Berkeley, Oct. Nov. 1983, éd. J. Pearson, 1985, p. 14.
19Ibid.
20Ibid.
21M. Foucault, Power/knowledge, Selected Interviews and Other Writings, NewYork, Pantheon Books, 1980.
22Judith Butler, Gender Trouble ; Feminism and the Subversion of Identity, NewYork, Routledge, 1990.
23Leonard M. Hammer, A Foucauldian Approach to International Law. Descriptive Thoughts for Normative Issues, Aldershot, Ashgate Press, 2007.
24Steven Best, The Politics of Historical Vision : Marx, Foucault, Habermas,  NewYork, The Guilford Press, 1995.
25Alan Munslow, Deconstructing History, Routledge, Londres 1997.
26Deconstructing History, op.cit., p. 124.
27Ibid.
28Ibid., p. 123.
29Ibid., p. 126.
30Ibid., p. 128.
31Ibid., p. 123.
32Cf. supra, note 11.
33M. Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire », loc.cit., p. 145.
34A. Munslow, Deconstructing History, op.cit., p. 127.