La traversée des océans

Journal de Bord 4 : la traduction en Portugais - Le Colloque de Rio

Fernando SANTORO


Dans le colloque du Vocabulaire International des Philosophies, réalisé à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro en novembre 2009, le projet d’un Dictionnaire des Intraduisibles (Dicionário dos Intraduzíveis) comme traduction, adaptation, intraduction1 en portugais, du Vocabulaire Européen des Philosophies (VEP), se mettait officiellement en marche.  Officiellement, puisque nous fêtions aussi le dixième anniversaire de l’entrée de la langue portugaise dans le projet original du VEP. Sans une rencontre autour des problèmes de traduction du grec ancien, qui nous a réuni en particulier autour de la Métaphysique d’Aristote, la langue de Fernando Pessoa et d’Antonio Vieira aurait été scrutée plus tard quant à ses intraduisibles philosophiques. Bien sûr, toute rencontre de langues et de cultures, toute transmission, tradition, transport, traduction sont d’abord le fait de rencontres occasionnelles suite aux envies des individus. La traduction, tout comme la philosophie, est au début une affaire d’amis et d’amour – philía. Sans cet élan commun vers le grec, et vers les philosophies qui s’y sont produites, toujours à nous séduire et hanter, le portugais n’aurait peut-être pas été abordé dans le premier moment de l’élaboration du Vocabulaire Européen des Philosophies, en France.

Le projet était limité dans cette première étape, par la conjoncture même, à une douzaine de langues européennes, plus les langues dites de « passage », c'est-à-dire celles par lesquelles la philosophie grecque a été transmise à d’autres langues. Ce retard aurait été le signe visible d’une marginalité de la langue portugaise, comprise à tort selon une fausse hiérarchie ontologique des langues, d’après leur distance par rapport à un centre utopique de la langue universelle ou de la langue de l’être. Une telle marginalité ne relève pas non plus d’un regard géopolitique en termes de puissance économique. Si elle montre quelques traits de l’imaginaire des nations et des peuples, nous l’analyserons ici sous l’aspect plutôt positif d’une face tournée vers le dehors. Un port et une échappée que le Portugal fut à l’Europe quand celle-ci découvrait les nouveaux mondes. Une façade et une porte que fut ce port pour ceux qui venaient de l’Atlantique. Une langue portuaire qui s’est déracinée de son sol placé à l’extrême occident de la péninsule européenne et qui a perdu peu à peu les frontières territoriales du fait de l’entreprise commerciale, aventurière et missionnaire, œuvre  d’un empire colonial catholique voguant sur les océans.

L’éclatement du nationalisme et la crise identitaire des langues

Évidemment, le premier moment éditorial limité au vocabulaire européen était destiné à être dépassé par l’enjeu de l’intraduisible en philosophie, là où l’Europe philosophique était elle-même conduite à défaire ses frontières géopolitiques nationales, soit par les contributions des langues venant d’ailleurs et qui déjà se contenaient mal dans le statut limité de moyen de transmission culturelle, telles que l’arabe ; soit par l’effet même du colonialisme et du post-colonialisme européen qui parsema les continents de religions, de langues, de cultures, voire de philosophies occidentales –  et dont les semences ont été effectivement transformées par la diversité des nouveaux sols culturels ; ou bien encore par la déconstruction même de l’idée de nationalité des langues, qui a été depuis le départ l’une des grandes cibles linguistiques et politiques du VEP. Nous avons toujours été convaincus du fait que les affaires de langue, de transmission culturelle et de traduction sont au cœur des affaires entre les peuples, au cœur de toute politique internationale ; cela ne saurait être différent pour la traduction philosophique.

Les ingrédients d’un éclatement créatif de la première limite européenne du projet du vocabulaire résidaient au cœur même de son équipe de plus de 150 chercheurs venant de tous les coins du monde témoigner de cette déconstruction: philosophes français, américains, canadiens, espagnols traitant de problèmes de traduction de l’anglais ; philosophes argentins rédigeant des entrées concernant l’espagnol, brésiliens s’occupant de la philosophie en langue portugaise… Ce n’était pas une équipe internationale, c’était déjà la mise en œuvre de la crise de cet objet politique « langue de la patrie2 ». À nos yeux, le caractère national ne pouvait plus être le constituant exclusif ni même déterminant d’une langue. La traduction opère une autre découverte du caractère et de l’identité des langues, construits d’une façon toujours mouvante et dynamique par le dialogue, le commerce, les rapports, les différences, les rencontres, les confrontations avec l’autre, avec les autres, toujours autrement, et c’est ce réseau constructif de relations qui est mis en relief et exploité par les intraduisibles et leur étude. Déracinées des territoires nationnaux, rendues insubstantielles par l’élaboration de chaque rencontre accidentelle, potentialisés, virtualisées et diversifiées par ses mêmes rencontres il en résulte une vraie crise identitaire des langues, rendue de plus en plus visible par les enjeux de la traduction philosophique, qui engage les rencontres.

La traduction en portugais face à la tradition philosophique européenne

Le projet d’une traduction du VEP en langue portugaise, menée par une équipe lusophone non portugaise, dans le cadre d’une maison d’édition (Editora da Universidade de Brasília) et de groupements de recherches (OUSIA, PROAERA, NOESIS) impliquant plusieurs universités des principales villes du Brésil, est né avec cette prise de conscience de l’éclatement des frontières nationales dans les langues. Ce fut l’un des principaux sujets de discussion du colloque décisif de Rio, en 2009. Les intervenants le prirent comme point de départ, comme leitmotiv et comme objectif de fond, sous des aspects par ailleurs inattendus.  En fait,  à force de travailler sur les différences des langues et des philosophies, nous comprenions que la multiplicité et la diversité exigeaient non seulement la porosité et la souplesse propres à la rencontre multiple des langues, mais qu’elles exigeaient aussi la rencontre des philosophies européennes avec beaucoup d’autres altérités qui leur font frontière en tant qu’expressions d’autres savoirs et d’autres sagesses3. Nous découvrions dans nos pratiques de traducteurs philosophes des frontières poreuses comme des membranes, qui séparent autant qu’elles font communiquer. Nous voulions, dans l’édition en langue portugaise, explorer les autres frontières non seulement du vocabulaire, mais aussi d’une idée du philosophique inscrite dans la tradition métaphysique européenne. Les frontières entre la philosophie et les sciences, et au sein des sciences elles-mêmes, les frontières entre le philosophique et le littéraire, entre la transmission orale du savoir et la sagesse écrite, entre les nations unies (ou séparées) par une même langue, ou plusieurs, et tant d’autres problèmes de frontières qui constituent ce qui est et ce qui n’est pas européen. Pour évoquer encore une fois nos plus vieux fantômes grecs : questions de pores et d’apories, concernant l’apeiron, l’infini, l’indéterminé, l’insurmontable, l’intraduisible.

Les intraduisibles, ces équivoques significatifs que nous cherchons par comparaison entre les langues dans les textes philosophiques pour mieux comprendre leur différence et leur constitution, nous ont menés à une vision qui mettait forcément en jeu plusieurs autres points de passage (traduction) et d’impasse (l’intraduisible). Cela a été pris en compte dans l’élaboration du projet du dictionnaire en portugais, à commencer par le titre même de l’ouvrage où il n’était plus question de faire un vocabulaire « européen » et où il était question davantage encore d’explorer les faits d’intraduisibilité dans les langues philosophiques que de recueillir les mots intraduisibles de telle ou telle langue ou de tel ou tel domaine philosophique. Ainsi,  le titre de l’édition brésilienne assumerait pleinement ce qui, dans le Vocabulaire français, n’était que le surnom : Dicionário dos Intraduzíveis (Dictionnaire des Intraduisibles). Il n’est plus européen, parce qu’il est réalisé et édité en Amérique du Sud, ou parce que depuis longtemps la langue portugaise n’appartient plus à la nation européenne d’origine, étant devenue désormais une langue d’une communauté qui n’a plus de centre géopolitique et dont l’orthographe et la grammaire se gèrent par des accords et des comités internationaux  impliquant tous les pays lusophones sur les cinq continents4. Il n’est plus européen dès lors que la sagesse des langues parlées ou des expressions non scientifiques peut se confronter au courant traditionnel selon lequel le philosophique est toujours un rejeton de la métaphysique grecque, soi-disant des « notes de bas de page aux dialogues de Platon ». Bien sûr, cela se joue dans une conception des sagesses et des philosophies qui ne fait plus de la philosophie le propre de l’Occident, gardée par les nouveaux Grecs, qu’ils soient allemands, anglais, français ou n’importe quels autres héritiers de la langue philosophique. Nous  assumons cela de façon problématique, et pas du tout comme une nouvelle donnée universalisante ; il ne s’agit pas de remplacer Heidegger par Wittgenstein ou par Cassin ou par la caricature du prophétisme de Vieira5, mais de garder le centre vide et de projeter l’intérêt plutôt vers la périphérie, là où les altérités se sécrètent par porosités, par failles, par accidents, par rencontres, par accords – les chemins, les ponts, les ports – tout ce qui est lié au transport (y compris les obstacles) : la métaphore première de la traduction. Très difficile pour ce qui est du traditionnel philosophique et qui a toujours posé comme déterminante la hiérarchie de l’universel!

Mais comment solutionner l’organisation d’un nouveau spectre des faits de la diversité des langues philosophiques, des mots et des expressions, là où s’exercent la philosophie et d’autres formes de sagesse qui lui correspondent ? Le premier problème évident était intrinsèque au projet. S’il faut vider le centre hiérarchique d’une langue philosophique quelconque en faveur du détachement de ses faits d’intraductibilité, que faire avec le Vocabulaire Européen des Philosophies, notre matrice, qui est de fait un vocabulaire en français portant sur les problèmes de traduction des intraduisibles philosophiques non français en français ? Le Dictionnaire des intraduisibles en portugais risquait d'être toujours européen du moment qu’il s'en tenait à une simple traduction du volume français paru en 2004, même en considérant les adaptations nécessaires parce que la métalangue6 des entrées avait changé du français au portugais. Ce ne serait qu’une traduction comme d’autres, pas encore une intraduction, en tant que déploiement authentique de l’éclatement opéré par le geste linguistique, philosophique, politique d’élaboration du premier Vocabulaire. S’il fallait s’inspirer de l’esprit du geste originel, une simple traduction en serait la trahison. Une fausse et impraticable réponse serait de refaire le vocabulaire depuis le début : fausse parce que ce serait une réponse nationaliste là où l’idée de nation et d’identité de la langue éclatait, impraticable parce qu’on ne réunit pas deux fois 150 chercheurs pour faire une autre même chose7. Une première bonne réponse praticable consistait  également à inclure dans le contexte de discussion et de repérage de l’intraduisible les faits mis à jour par les autres traductions en cours, et à dépasser ainsi les frontières restreintes à une seule langue de départ, une seule langue à traduire, le français.  Bien sûr, le VEP originel est déjà un abordage multilingue des philosophies, mais sa traduction pure et simple supposerait que tous les mots de toutes les langues passent par les douanes d’une seule langue et soient réduits aux problèmes spécifiques à ce passage.

Deux décisions

Mais comment rendre possible le repérage de ce qui était nécessairement passé par le filtre, par le philtre, de la langue française et de la philosophie en français ? Par exemple, nous n’avons aucun besoin de reprendre les nœuds de la traduction par Tricot de « kinesis » et « energeia » chez Aristote, cités dans l’entrée « aspect ». Ou encore, comme dans l’entrée « aimer », qui discute l’équivoque français des mots grecs « philein » et « eran » : que faut-il faire pour inverser le point de vue et pour différencier l’entrée « amar » en metalangue (donc en portugais maintenant), qui recouvre tout le champ de l’entrée originelle,  d’un nouveau cas « aimer » en langue (donc en français) qui montre l’homonymie française du point de vue du portugais ?  Et comment la traduction des insertions des autres traductions, les contributions et les ajouts des éditions en cours des dictionnaires des intraduisibles en arabe, en persan, en ukrainien, en roumain,  en anglais, en espagnol etc. peuvent-ils être incorporés au volume en portugais, qui ne serait pas ainsi une simple transposition en langue portugaise du VEP original français ? Que faire avec ces nouveaux défis ? Quelles seraient les réponses objectives et pratiques pour les surmonter dans l’édition en portugais ? Effectivement, deux décisions importantes ont été prises dans la rencontre de 2009, que nous énonçons d’abord et que nous expliquerons ensuite :

1) Séparer la publication en deux moments : dans un premier volume, réunir tout ce qui constitue essentiellement le repérage des faits d’intraductibilité de la philosophie en langues, ce qui revient à faire une cartographie de la philosophie du langage sur des thèmes concernant la traduction, tels que l’aspect, la métaphore, l’équivoque, la diglossie etc. Et aussi à traiter des caractéristiques marquantes des langues où les textes philosophiques ont été produits, comme le grec, l’allemand, le français etc. Ainsi il fallait, pour l’instant, laisser de côté la collection des mots intraduisibles constituant un vocabulaire défini. Un premier volume contenant les entrées qui portent sur les problèmes et les sujets plus transversaux du VEP, les entrées dites « d’ordre deux8 » et qui, dans le VEP originel ont déjà l’air beaucoup plus d’articles indépendants que d’entrées de dictionnaire. Dans un deuxième temps, publier le Dictionnaire avec les entrées portant sur les mots qui constituent à proprement parler les « intraduisibles », répertoriés par ordre alphabétique comme un vocabulaire, selon la disposition du VEP original mais avec les ajouts provenant des traductions et adaptations du VEP en cours dans les autres langues.

2) Produire un site et un outil hypertextuel sur Internet, de façon à  rendre la communication et la coopération entre les diverses équipes internationales praticable durant les travaux de traduction et de révision du VEP en cours dans chaque nouvelle traduction/adaptation. Ainsi, - fallait-il construire un réseau sur Internet reliant les chantiers de travaux des Dictionnaires des Intraduisibles dans toutes les langues engagées dans le projet.

Expliquons premièrement la décision de séparer le Vocabulaire en deux volumes, concernant exclusivement l’édition en portugais.

Les deux volumes

Reprenons la définition des entrées du VEP9 : « Le Dictionnaire présente trois types d’entrées.

1) Certaines entrées partent d’un seul mot dans une seule langue, « intraduisible » révélateur d’une constellation donnée dans le temps et/ou dans l’espace, tels LEGGIADRIA  qui dit d’abord la grâce des femmes à la Renaissance italienne et nous évoque le sourire de la Joconde, ou MIR qui désigne en russe la paix, le monde et la commune paysanne. D’autres présentent un ou plusieurs réseaux pour tenter d’en démêler les singularités : par exemple, avec POLITIQUE, on traite du politique, de la politique, de politics et de policy ; STRUCTURE procède à une comparaison avec  pattern et Gestalt ; et l’on traite sous SENS de tous les sens de “ sens ”, depuis leur écheveau latin (l’unifiant sensus, qui rend le grec nous, littéralement “ flair, intuition ”, mais renvoie aussi à la signification d’un mot ou d’un texte) jusqu’à l’imbroglio germano-anglais issu de Sinn, Bedeutung, meaning, sense, compliqué des traductions françaises par « dénotation » ou « référence ». Les mots en diverses langues qui figurent sous le lemme d’entrée n’ont pas la prétention d’en être les traductions, bonnes ou mauvaises, mais ce sont les équivalents, les approximations, les analogues, dont on traite effectivement dans l’article.

2) Un certain nombre d’entrées plus générales, des méta-entrées en quelque sorte, examinent le fonctionnement de telle ou telle langue dans son ensemble à partir d’une caractéristique déterminante : par exemple ser et estar dans l’espagnol philosophique (entrée ESPAGNOL) ou la diglossie en russe (RUSSE). Quelques-unes d’entre elles traitent d’un grand problème, comme l’ordre des mots (ORDRE DES MOTS) ou la manière de dire le temps et l’aspect (ASPECT), immergé dans les différentes langues. Les entrées les plus vastes sont généralement le fruit d’une collaboration, et des “ encadrés ” (qui sont signés quand ils n’émanent pas des auteurs  de l’article) constituent autant de coups de projecteurs sur un texte, ses traductions, une terminologie, une tradition.

3) Enfin, des entrées directionnelles, non signées, sont là pour servir de guide de lecture. Elles aiguillent vers les entrées pertinentes en langues étrangères (MONDE et PAIX permettent d’accéder au russe MIR, ou MALAISE aux manières singulières de désigner le dysfonctionnement âme-corps et son implication existentielle, ACEDIA, DESENGANO, DOR, MELANCOLIE, SAUDADE, SENSUCHT, SORGE). Elles proposent également une synthèse des difficultés et des différences (RIEN, TEMPS).  Lorsqu’on y renvoie, comme corrélats, à l’intérieur d’autres entrées ou dans les index, on les distingue par des italiques. »

 

Le Dictionnaire des Intraduisibles en portugais sera en deux volumes, dont le premier comprendra les entrées d’ordre deux, selon la disposition du « mode d’emploi » du VEP, citée ci-dessus. Le deuxième volume comprendra les autres entrées, formant le Vocabulaire des Philosophies proprement dit.

Le premier volume devra paraître en 2011-2012, il contiendra toutes les méta-entrées du VEP, avec des modifications et des ajouts. Une modification importante : l’entrée ESPAGNOL deviendra SER E ESTAR, parce que tout ce qu’il y est dit concerne aussi bien l’espagnol que le portugais, et ne constitue donc pas un trait déterminant de la différence entre espagnol et portugais. Et, tout comme pour l’espagnol, « ser » et « estar » constituent des équivoques pour la traduction du portugais en autres langues ; donc le sens de l’intraductibilité sera inversé. Bien sûr l’entrée PORTUGUÊS sera fortement modifiée par le même fait de l’inversion du sens : il ne s’agira plus de montrer ce qui est intraduisible pour la langue française mais ce qui peut caractériser le portugais philosophique par rapport à toutes les autres langues philosophiques. Les autres entrées ne seront pas beaucoup modifiées, sauf comme dans tout le Dictionnaire par l’effet du changement de la métalangue. Ce changement signifie non seulement que la langue du dictionnaire sera le portugais et que c’est à travers elle  que les faits d’intraductibilité dans les autres langues seront expliqués, mais il suppose aussi qu’il faudra mieux instruire et répertorier ce qui est intraduisible en portugais dans les traductions de textes philosophiques déjà existantes.

Pour les traductions des citations, il faudra quelquefois les remplacer par les traductions correspondantes en portugais, en conservant parfois aussi l’exemple d’intraductibilité en français. Dans ce cas, il faudra non seulement ajouter les traductions en portugais du texte original mais aussi des traductions de la traduction française qui deviendra ainsi une langue parmi d’autres et non plus la métalangue. Il faudra porter attention aussi aux traductions en cours du VEP en autres langues, pour voir s’il y a des ajouts à intégrer comme conséquence et comme effet des singularités de ces traductions. Toutefois, comme ces méta-entrées dites « d’ordre deux » sont des vrais articles de philosophie du langage et de philosophie des langues, le répertoire d’exemples est important mais moins que le développement de l’idée des faits d’intraductibilité analysés. La conséquence en est que pour ce premier volume, contrairement au deuxième, l’affaire est moins dépendante de l’enjeu multilingue et se rapproche plus de la traduction normale d’un texte philosophique. Normale en ce qui concerne les problèmes traditionnels de toute traduction en philosophie. C’est pourquoi nous avons décidé de faire ce volume en premier, avec des entrées comme  « aspect », « acte de langage », « traduire », « ordre des mots » et comme « allemand », « grec » « portugais », « italien », « français ».

Pour le premier volume, il est également prévu de rédiger de nouveaux articles liés aux nouvelles frontières à explorer. Car si le Dictionnaire est en train de dépasser sa délimitation de vocabulaire européen, il faut bien montrer quelles sortes de frontières sont traversées. C’est pourquoi il faudra présenter la délimitation qui concerne principalement la tradition métaphysique occidentale ainsi que les opérations de traduction, voire de transport et commerce avec les altérités que nous avons aperçu et que nous voulons traiter.

Car la tradition métaphysique occidentale est historique. Du point de vue des langues, cela signifie qu’elle se fait par transmission écrite et par exégèse de textes. Ce n’est pas la seule façon de transmettre les sagesses, bien que selon la perspective européenne l’analphabétisme équivaille à l’ignorance et que le manque d’écriture dans une culture passe pour du primitivisme. La perspective positiviste est tellement prégnante que l’on arrive sans difficulté à penser le passage de l’oral à l’écrit, mais rarement l’inverse, le passage de l’écrit à l’oral. Nous avons donc prévu l’élaboration d’un article sur les problèmes de passage, voire de traduction, de l’oral à l’écrit, certes, mais qui s’attache aussi à l’autre sens, de l’écrit à l’oral. Un tel article doit traiter aussi bien de l’origine de la philosophie grecque dans ses rapports avec la poésie épique et la conversation (« dialectique », au sens premier) que de l’opération missionnaire catéchiste d’abord, puis anthropologique, qui transcrit les langues sans écriture et fabrique pour elles des lexiques et des grammaires. Il peut engager aussi, en sens inverse, les questions de philosophie du langage à propos du langage courant et du performatif ; mais aussi les opérations gestuelles de sagesse, telles qu’elles se font dans les rapports entre mythes et rites. Il pourra se servir aussi d’une nouvelle anthropologie comparatiste où la diversité n’est pas soumise à une hiérarchie positiviste des cultures, et qui est capable de voir comment la culture textuelle occidentale est reçue et transformée ailleurs. Nous bénéficierons du contexte de métissage de la langue portugaise au Brésil et en Afrique et des rencontres avec des traditions orales sud-américaines et africaines. Nous bénéficierons aussi des sagesses d’une nouvelle anthropologie développée à partir des périphéries, de perspective décentralisée, dont l’engagement est de penser l’intraduisible lié au commerce des philosophies et des sagesses entre oralité et écriture.

Une autre frontière à explorer est celle entre la philosophie et les arts, notamment entre la philosophie et la littérature. De fait, cette frontière a déjà été  perçue et mise en question dans le VEP de 2004, justement dans l’entrée PORTUGAIS, dont le sous-titre était, et pour cause : « langue baroque ». La thèse conductrice de l’article s’appuyait sur le fait que les principaux exemples de philosophie en langue portugaise se rencontraient dans des écrivains et des poètes mal reconnus comme philosophes. Des auteurs comme Antônio Vieira, Fernando Pessoa, Guimarães Rosa, Haroldo de Campos, entre autres, fournissaient l’essentiel des exemples des intraduisibles philosophiques dans l’article. Les enjeux de cette frontière devront être développés dans le premier volume de la version en portugais du Dictionnaire. Cela se fera dans la réélaboration nécessaire de l’entrée « PORTUGUÊS : língua barroca » ; mais peut-être aussi, selon le développement naturel de la question, dans une entrée à part. Cette nouvelle entrée pourrait réunir les frontières entre le philosophique et le littéraire non seulement en portugais, mais aussi dans d’autres langues, à commencer par les langues dans lesquelles le VEP est en cours de traduction. Et si les arts en général y sont concernés, il faudra explorer comment la textualité philosophique est traduite par des images, des paroles, des gestes, ce qui relève de l’iconographie, de la dramaturgie, et d’autres formes d’expression de sagesses qui ne sont pas assises sur des fonds argumentatifs et conceptuels et qui posent elles aussi des problème spécifiques d’interprétation et de traduction.

Le deuxième volume comprendrait toutes les autres entrées, celles d’ordre un, les mots intraduisibles proprement dits, et celles d’ordre trois, les entrées directionnelles. Avec le deuxième volume, nous aurons effectivement un vocabulaire des intraduisibles et toute l’architecture hypertextuelle de renvois entre les mots de l’édition originale avec touts les index qui en font un véritable outil pour les traducteurs de philosophie et pour tous ceux qui s’intéressent à la philosophie et à ses langues. Nous ajouterons un index général des entrées, qui n’existe pas dans l’édition du VEP de 2004, mais qui sera sans doute inclus dans sa prochaine édition. Ce volume comprendra, outre les adaptations rendues nécessaires par le changement de la métalangue et de l’attention vers ce qui est spécifiquement intraduisible en portugais, également les ajouts venus des autres traductions en cours du VEP, directement traduits (pour autant que nous en serons capables) des langues en lesquelles ils auront été créés. Pour être capables de faire « en temps réel » les traductions des ajouts provenant de toutes les traductions en cours, il nous fallait un nouvel outil de travail, ce qui nous a conduits directement à la deuxième grande décision du colloque de Rio. Il fallait construire un site hypertextuel sur Internet capable de faire communiquer « à la mode des intraduisibles » le réseau formé par toutes les équipes des Dictionnaires des Intraduisibles.

Le site des Intraduisibles

Si nous voulions dépasser la hiérarchie directionnelle et ne plus être dépendants, dans une traduction du VEP, du vecteur Langue X > Français > Langue Z ; c'est-à-dire si nous refusons le modèle de la traduction automatique telle qu’elle est pratiquée dans des moteurs de traduction comme celui de Google entre autres, qui utilise l’anglais purifié de ses équivoques comme pivot de connexion entre toutes les langues ; si ce modèle ne nous convient ni d’un point de vue scientifique ni d’un point de vue de politique des langues, alors il est certain qu’il ne doit pas être non plus le point d’appui pour les traductions, adaptations, intraductions du VEP que nous sommes en train de concevoir et de pratiquer. Nous savions que le modèle du « pivot sans équivoque » était justement le modèle de la traduction sans intraduisibles, appuyé sur l’idée que les mots en langues sont tous réductibles à des concepts communs. Nous ne pouvions pas tout simplement changer la langue pivot de l’anglais au français sans souffrir toutes les conséquences contraires aux principes mêmes du Vocabulaire des Intraduisibles.  Il était exclu de traduire un vocabulaire des intraduisibles sans faire attention aux problèmes de traduction dus aux changements de métalangue et de contexte linguistique et philosophique de réception. Cela  était clair dès le départ, comme en témoignent les grandes différences de structuration de chacun des projets de traduction du VEP entrepris en chaque langue10.

Une structure non hiérarchique devait être envisagée. Nous avions contre nous, le fait que le geste premier a évidemment été un geste français, bien que ce geste se soit fait dans l’esprit de la diversité et de la multiplicité des philosophies et des langues. Ce choix même respirait l’air du temps des philosophies de la différence et de la déconstruction. La devise « ni globish ni langue ontologique » par laquelle nous refusons la hiérarchie des langues philosophiques trahit, par opposition à des philosophies que l’on pourrait labelliser « anglophones » et « germaniques », une position défensive « française » contre l’idée que la philosophie ne devrait parler qu’en concepts, dont les langues ne seraient que des robes (du corps logique), comme par hasard l’anglais, ou des armures (gardiennes de l’être) comme par destinée le grec et l’allemand. Mais il n’est absolument pas question de revenir aux drapeaux des nationalismes des langues ! Que cette position philosophique et ce geste politique se soient appuyés sur la diversité des langues, c’était là la raison d’être du projet des Intraduisibles. Il fallait donc dépasser la particularité linguistique du premier Dictionnaire des Intraduisibles, faire en sorte, pour rester fidèles au geste initial qui s’inscrivait d’emblée dans la diversité et la pluralité des philosophies et des langues, que l’édition française ne constitue finalement qu’une version parmi d’autres dans nos travaux – version française susceptible de s’enrichir des ajouts figurant dans les différents dictionnaires auxquels le Vocabulaire Européen des Philosophies a donné naissance. Pour ne pas trahir le geste originel, il nous fallait conserver dans les étapes de développement de la recherche des intraduisibles l’esprit de la diversité. Cette nouvelle étape aboutit toutefois au constat que les Dictionnaires des Intraduisibles en chaque nouvelle langue partent du premier vocabulaire, et que celui-ci est inexorablement dans une langue, le français.

Pourtant, si nous nous organisions en réseau, nous pouvions établir une nouvelle structure de transfert entre les langues selon l’image multidirectionnelle du « nuage de mots » qui fait la belle couverture du Vocabulaire.

((#10))

Le site Internet permettait d’envisager cette structuration en réseau. Liées en temps réel, la production et la communication des équipes pourraient être accessibles directement, de façon à ce que les adaptations, les ajouts, les transformations opérés en chaque édition puissent être perçus sans la contrainte d’une direction centrale.

Nous avons créé les sites multilingues intraduisibles.org et intraduzíveis.org (par un consortium de l’équipe française du Centre Léon Robin et de l’équipe brésilienne du Laboratoire Ousia)  pour servir aux besoins du fonctionnement en réseau du projet des Dictionnaires des Intraduisibles, qui comptait déjà des équipes de traduction et de création en anglais, en espagnol, en portugais, en arabe, en parsi, en roumain, en ukrainien. Les sites ont été construits sur la base d’un logiciel pour gérer des pages multilingues dans toutes les langues des éditions en cours. Nous avons choisi une base de logiciel libre capable de supporter des expansions quantitatives et qualitatives de langues et de fonctions, puisqu’il était certain que leur mise en marche ferait augmenter les contributions des équipes et en développerait de nouveaux outils. Il faut souligner que nous avons préparé les deux sites jumeaux de façon indépendante, de sorte qu’ils pourront évoluer de façon différente, bien que toujours complémentaire et connectée. L’idée est de permettre que chaque équipe puisse développer son site, toujours en fournissant des éléments pour l’ensemble du réseau. Mais si la structure est assez complexe, elle a été pourtant conçue de façon à que l’usage par un membre des équipes ou par un lecteur quelconque soit très simple. Le lecteur pourra naviguer dans chacun des sites et les croiser, en choisissant sa langue et ses thèmes préférés, à la découverte de la philosophie, des langues philosophiques, de ses mots et de l’univers de la traduction et des intraduisibles.

Cette première version fut présentée aux directeurs de chaque équipe du réseau international des Dictionnaires des Intraduisibles dans le festival « Tradurre (in) Europa » qui eut lieu à Naples en novembre 2010.

Ce qui se produisit à cette occasion sera le sujet d’une prochaine nouvelle page de notre JOURNAL DE BORD.

1Le néologisme se fait naturellement, pour l’acte de traduire l’intraduisible et pour ses résultats. L’enjeu de la traduction d’un dictionnaire sur les intraduisibles approfondit davantage la réflexion sur la traduction qui accompagne l’action traductrice elle-même. À souligner que le préfixe latin « in » n’a pas seulement le sens et la valeur du recul négatif mais aussi de l’entrée dedans (« in » qui s’oppose à « ex »), et que les deux sens sont requis, soit pour l’infini et l’indéterminé des intraduisibles qui ne cessent de (ne pas) être traduits, soit pour le recul à l’intérieur de soi même, l’autoconnaissance qui  croît à chaque défi de rapport et de transport dans une autre langue. Le mot français est ici calqué sur le mot portugais « intradução » utilisé par les poètes Augusto de Campos et Haroldo de Campos dans le registre de la poétique du « concrétisme », mouvement de poésie brésilien initié aux années 1950 dont les acteurs se sont particulièrement intéressés aux questions de la traduction et à sa réalisation.
2Deux références incontournables en langue portugaise, d’abord Fernando Pessoa: « Não tenho sentimento nenhum político ou social. Tenho, porém, num sentido, um alto sentimento patriótico. Minha pátria é a língua portuguesa. [Nulle trace en moi de sentiment politique ou social. Je possède en revanche, en un certain sens, un sentiment patriotique élevé. Ma patrie c’est la langue portugaise]. » (Le livre de l’intranquillité de Bernardo Soares, trad. F. Laye, Ed. Christian Bourgois, 1999, p.270) ; et Caetano Veloso, qui lui répond : « deixe os Portugais morrerem à míngua ‘Minha pátria é minha língua’[…] A língua é minha pátria e eu não tenho pátria, tenho mátria e quero frátria [Que tous les Portugals se meurent de misère  ‘Ma patrie c’est ma langue’ » […] la langue est ma patrie, et je n’ai pas de patrie, j’ai une matrie et veux des fratries] » (Língua, Velô)
3Nous utilisons le terme « sagesse » comme genre englobant la philosophie aussi bien que d’autres formes de savoir et d’autres traditions de pensée, comme les traditions orales, les non occidentales, les formes de pensée religieuses, artistiques etc.,  par rapport auxquelles la philosophie peut se reconnaître dans sa spécificité, peut avoir commerce, peut réévaluer sa condition et ses propres transformations etc.
4La décentralisation de l’empire colonial transocéanique portugais est marquée par un fait historique extrêmement significatif: coincée par l’armée de Napoléon, la couronne portugaise fuit le Portugal. Escortée par la flotte anglaise, elle traverse l’Atlantique et transfère toute la cour de Lisbonne (Bibliothèque royale incluse) à Rio de Janeiro, qui devient désormais la capitale de l’empire. Napoléon vaincu, le dauphin ne rentrera pas en Europe et proclamera l’indépendance du Brésil. Les colonies africaines ne seront libérées que beaucoup plus tard, lors de la Révolution des Œillets, qui commence justement avec les officiers de la légion étrangère, mais la perte de la plus grande colonie dérobait en même temps au Portugal le pouvoir absolu sur la lusophonie.
5Qui annonçait l’avènement d’un nouvel empire mondial spirituel, sauvegardé par le retour mystique du roi disparu Dom Sebastião.
6Dans le Vocabulaire nous distinguons les langues, c’est à dire les langues originelles de chaque terme, expression ou difficulté de traduction envisagée, de la métalangue, c’est à dire la langue utilisée pour expliquer et pour discuter les termes, les problèmes et pour proposer des traductions. Il peut y avoir des entrées en langue, comme «leggiadria », qui traiteront d’un mot spécifique, et des entrées en métalangue, comme « âme », qui traiteront d’un groupe sémantique englobant plusieurs mots dans plusieurs langues. Dans le Vocabulaire Européen des Philosophies, la métalangue est le français, dans le Dicionário dos Intraduzíveis, elle est le portugais, et ainsi de suite.
7Cette réponse a effectivement été donnée par des scientifiques à qui l’on a proposé la traduction en une autre langue européenne. On peut constater que le nationalisme scientifique, surtout quand il touche aux questions de langues, est toujours très résistant.
8Leur spécificité est expliquée dans le “Mode d’Emploi”, que nous citerons à la suite.
9“Mode d’Emploi”, VEP, 2004, p. xxiii (légèrement modifié)
10Quelques exemples: les éditions ukrainiennes et arabes seront en fascicules, l’édition mexicaine en espagnol a changé le titre pour “Dicionário Ocidental das Filosofias”, ce qui fut immédiatement critiqué par des membres de l’équipe marocaine de l’édition en arabe. L’édition arabe crée l’ajout SHARIA. L’édition américaine refait les articles concernant la philosophie analytique et la philosophie des genres etc. etc.

notes

1Le néologisme se fait naturellement, pour l’acte de traduire l’intraduisible et pour ses résultats. L’enjeu de la traduction d’un dictionnaire sur les intraduisibles approfondit davantage la réflexion sur la traduction qui accompagne l’action traductrice elle-même. À souligner que le préfixe latin « in » n’a pas seulement le sens et la valeur du recul négatif mais aussi de l’entrée dedans (« in » qui s’oppose à « ex »), et que les deux sens sont requis, soit pour l’infini et l’indéterminé des intraduisibles qui ne cessent de (ne pas) être traduits, soit pour le recul à l’intérieur de soi même, l’autoconnaissance qui  croît à chaque défi de rapport et de transport dans une autre langue. Le mot français est ici calqué sur le mot portugais « intradução » utilisé par les poètes Augusto de Campos et Haroldo de Campos dans le registre de la poétique du « concrétisme », mouvement de poésie brésilien initié aux années 1950 dont les acteurs se sont particulièrement intéressés aux questions de la traduction et à sa réalisation.
2Deux références incontournables en langue portugaise, d’abord Fernando Pessoa: « Não tenho sentimento nenhum político ou social. Tenho, porém, num sentido, um alto sentimento patriótico. Minha pátria é a língua portuguesa. [Nulle trace en moi de sentiment politique ou social. Je possède en revanche, en un certain sens, un sentiment patriotique élevé. Ma patrie c’est la langue portugaise]. » (Le livre de l’intranquillité de Bernardo Soares, trad. F. Laye, Ed. Christian Bourgois, 1999, p.270) ; et Caetano Veloso, qui lui répond : « deixe os Portugais morrerem à míngua ‘Minha pátria é minha língua’[…] A língua é minha pátria e eu não tenho pátria, tenho mátria e quero frátria [Que tous les Portugals se meurent de misère  ‘Ma patrie c’est ma langue’ » […] la langue est ma patrie, et je n’ai pas de patrie, j’ai une matrie et veux des fratries] » (Língua, Velô)
3Nous utilisons le terme « sagesse » comme genre englobant la philosophie aussi bien que d’autres formes de savoir et d’autres traditions de pensée, comme les traditions orales, les non occidentales, les formes de pensée religieuses, artistiques etc.,  par rapport auxquelles la philosophie peut se reconnaître dans sa spécificité, peut avoir commerce, peut réévaluer sa condition et ses propres transformations etc.
4La décentralisation de l’empire colonial transocéanique portugais est marquée par un fait historique extrêmement significatif: coincée par l’armée de Napoléon, la couronne portugaise fuit le Portugal. Escortée par la flotte anglaise, elle traverse l’Atlantique et transfère toute la cour de Lisbonne (Bibliothèque royale incluse) à Rio de Janeiro, qui devient désormais la capitale de l’empire. Napoléon vaincu, le dauphin ne rentrera pas en Europe et proclamera l’indépendance du Brésil. Les colonies africaines ne seront libérées que beaucoup plus tard, lors de la Révolution des Œillets, qui commence justement avec les officiers de la légion étrangère, mais la perte de la plus grande colonie dérobait en même temps au Portugal le pouvoir absolu sur la lusophonie.
5Qui annonçait l’avènement d’un nouvel empire mondial spirituel, sauvegardé par le retour mystique du roi disparu Dom Sebastião.
6Dans le Vocabulaire nous distinguons les langues, c’est à dire les langues originelles de chaque terme, expression ou difficulté de traduction envisagée, de la métalangue, c’est à dire la langue utilisée pour expliquer et pour discuter les termes, les problèmes et pour proposer des traductions. Il peut y avoir des entrées en langue, comme «leggiadria », qui traiteront d’un mot spécifique, et des entrées en métalangue, comme « âme », qui traiteront d’un groupe sémantique englobant plusieurs mots dans plusieurs langues. Dans le Vocabulaire Européen des Philosophies, la métalangue est le français, dans le Dicionário dos Intraduzíveis, elle est le portugais, et ainsi de suite.
7Cette réponse a effectivement été donnée par des scientifiques à qui l’on a proposé la traduction en une autre langue européenne. On peut constater que le nationalisme scientifique, surtout quand il touche aux questions de langues, est toujours très résistant.
8Leur spécificité est expliquée dans le “Mode d’Emploi”, que nous citerons à la suite.
9“Mode d’Emploi”, VEP, 2004, p. xxiii (légèrement modifié)
10Quelques exemples: les éditions ukrainiennes et arabes seront en fascicules, l’édition mexicaine en espagnol a changé le titre pour “Dicionário Ocidental das Filosofias”, ce qui fut immédiatement critiqué par des membres de l’équipe marocaine de l’édition en arabe. L’édition arabe crée l’ajout SHARIA. L’édition américaine refait les articles concernant la philosophie analytique et la philosophie des genres etc. etc.