Artistes et chercheurs en résidences

Marrakech, Paris, Naples ; Printemps-automne 2002


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Les Résidences, des productions artistiques et de recherches communes

 

Après chaque session des ACEM, et grâce aux organisations associées au programme "Traduire entre les cultures en Méditerranée", les participants se voient dotés des conditions nécessaires pour mener à bien leur travail en commun : pièces de théâtre, films vidéos, exposition de photographies, traductions communes, recherches en commun dans le domaine des sciences humaines, etc.

Les résidences ont pour vocation de finaliser les projets élaborés au cours des Ateliers mais aussi de poursuivre et affirmer le travail de mise en réseau des jeunes chercheurs et artistes du pourtour du bassin méditerranéen.

Les résidences réalisées en 2002 s'inscrivent dans la continuité du travail effectué lors des Deuxièmes Ateliers culturels euroméditerranéens qui se sont tenus à Marrakech du 25 octobre au 9 novembre 2000. Durant ceux-ci, les vingt-cinq jeunes chercheurs et artistes ont alors constitué des groupes de travail en ateliers, qui ont reposé sur l’autoorganisation et la liberté d’action.

Les deux oeuvres retenues pour deuxièmes ACEM en 2000 étaient quatre contes des Mille et une nuits et Antigone de Sophocle. La thématique commune présidant à leur choix était « la parole de la femme face à la figure du tyran ». Très rapidement dans le cours du travail en groupes, des propositions de mise en relation entre Antigone et Shahrâzâd sont apparues, largement concrétisées dans les ateliers.

Le travail des participants a aussi été influencé par la ville de Marrakech, et particulièrement par la place Jemaâ El Fna, le lieu des conteurs, de l’oralité. Les Mille et une nuits mettent en scène une femme qui fait oeuvre de conteuse. Mais sur la place, les femmes sont manquantes. Aussi, plusieurs participant(e)s partirent à leur recherche et choisirent, dans une performance vidéo, de recomposer l’espace de Jemaâ El Fna, sa “ galerie de voix ”, en y introduisant les contes de cinq femmes, en bordure de la harangue, parole (masculine) du marchand située au centre.

Les résidences sont ainsi nées des rencontres entre les participants, des réflexions sur « la traduction des cultures », des analyses des deux oeuvres choisies et du voyage entre géographie imaginaire et lieux réels.

 

La résidence théâtre : Histoire de deux rives

Effat Yehia (Egypte), comédienne, et Amel el Fargi (Tunisie), comédienne et professeur à l'Institut des cadres de l'enfance, ont posé à Marrakech les jalons d'une rencontre dramaturgique entre Antigone et Shahrâzâd en les faisant dialoguer dans l'intimité d'une chambre. Cette Histoire des deux rives, ce jeu avec la figure littéraire, garde pour fil rouge le souci d’appréhender la nature même de leur prise de parole.

Ce projet appelait de nouvelles élaborations, sur la durée. Lors de la résidence qui s'est tenue à Paris du 7 au 14 octobre 2002 dans les locaux de Transeuropéennes, sa concrétisation était une priorité.

Les éléments de méthode qui sous-tendent le travail en résidence répondent au souci d'encourager les participants à s'approprier pleinement leur projet, et à leur donner les moyens pour ce faire. Aussi, Effat Yehia et Amel el Fargi étaient libres d'organiser leur temps comme elles le souhaitaient et de définir leurs propres méthodes de travail.

La première étape de leur travail a consisté à relire et analyser le texte élaboré à Marrakech, l'objectif étant de définir les points à approfondir au niveau du style, des thématiques et des personnages. Puis le travail s’est orienté vers les recherches à la Bibliothèque Nationale et à l’Institut du monde arabe, en alternance avec des séances d'écriture, dans les locaux de Transeuropéennes.

Leur méthode de travail "à deux" a consisté à se partager les lectures et à échanger ensuite sur leur contenu. En ce qui concerne le travail d’écriture proprement dit, il s’est fait à deux voix, mais sur les mêmes scènes, chacune écrivant séparément avant de mettre en commun les textes pour une version définitive.

Les thématiques de travail portent sur les relations d'Antigone et Shahrâzâd avec leurs pères respectifs ; sur les relations des deux personnages avec l'amour, les rêves et la littérature, indépendamment des textes de référence ; les relations entre Antigone et Créon, ainsi qu'entre Shahrâzâd et Shahryar, puis, de façon plus générale, les relations entre les deux personnages avec la mort, et avec Dieu.

L’insertion d’un troisième personnage, plus contemporain, fait encore l’objet d’une discussion. Tout comme la question de savoir de quelle manière Antigone et Shahrâzâd doivent témoigner de la société actuelle.

La question de la langue arabe dans sa pluralité sera mise en lumière par la pièce, par une conjugaison entre l’arabe littéral, le dialecte égyptien, et la langue standardisée, voire aseptisée, des journaux.

Cette résidence a permis l'élaboration et l'écriture d'un nouveau texte, beaucoup plus abouti que celui de Marrakech. Néanmoins, les participantes mèneront à terme ce projet dans les mois à venir, tout en cherchant dans le même temps de leur côté des partenaires qui puissent accompagner la production et la diffusion de leur pièce, tant en Tunisie qu’en Egypte.

 

La résidence critique

L’atelier théorique avait créé à Marrakech un espace d’interaction entre les lectures critiques des oeuvres proposées et une réflexion plus vaste, d’ordre philosophique, sur la parole et le pouvoir et le féminin, ainsi que sur la traduction comme pensée de l’autre. Un projet collectif était né, malgré les difficultés d’articulation entre le travail collectif et le travail individuel que les jeunes chercheurs en sciences humaines avaient rencontrées.

C'est ce projet que Sélila Mejri, maître assistante à l'Institut Supérieur des Langues de Tunis, Sameh Fekry, traducteur et chercheur en littérature comparée au Caire et à Manchester et Ferdinando Menga, doctorant en philosophie à l'Université de Tübingen, ont repris dans le cadre de la résidence qui s'est tenue à Naples du 2 au 7 novembre 2002, pendant les Troisièmes Ateliers culturels euro-méditerranéens.

Pour ce faire, ils ont organisé leur travail en trois temps. Une réflexion individuelle tout d'abord, nourrie des jalons posés à Marrakech, mais aussi de leur propre cheminement, intellectuel et humain, depuis les Deuxièmes Ateliers culturels euro-méditerranéens. Puis une mise en commun à Naples des travaux des trois participants, impliquant une confrontation des idées et des concepts, la réflexion sur des passerelles entre leurs disciplines respectives.

Ces journées de travail à Naples, durant lesquels ils ont côtoyé les participants des Troisièmes ACEM, ont enfin conduit à une présentation publique à l'Istituto Italiano per gli Studi Filosofici, le mardi 5 novembre 2002 à 17h00, intitulée "Traduire entre les cultures : un concept au travail". Cet exercice visait à présenter publiquement ce travail pour le soumettre à la réflexion critique du public, et notamment des participants des ACEM de 2002. Il participe de la volonté de Transeuropéennes de créer autour de ces thématiques un réseau informel de compétences.

La réussite de cette résidence a reposé entièrement sur l’esprit de suite de ceux qui l’ont proposée. Il a constitué un foyer de pensée sur les enjeux contemporains de la traduction des cultures, que l’on ne saurait assez encourager.

 

La résidence vidéo

La vidéo-performance des Ateliers culturels euro-méditerranéens de Marrakech alliait le film vidéo, le théâtre, la musique et le conte. Conçu comme un espace d’improvisation et de jeu, mêlant la culture écrite à la culture orale, il visait alors, dans les locaux de la CNSS à Marrakech, à reconstituer par une mise en abîme l’espace de la place Jemaâ El Fna. La cohérence de la conception, ses multiples plans de lecture appelaient avec évidence à une poursuite du travail, à l’élaboration en commun d’un projet artistique abouti.

Aussi, il a été proposé à Amal Ramses, coordinatrice de la documentation et de la publication de l'Association for Health and Environmental Development (Le Caire), Talal Khoury, photographe et assistant au directeur de la photo au cinéma (Beyrouth), Hala El-Khoury, monteuse (Beyrouth) et Nadine Chams, journaliste-scénariste (Le Caire), de poursuivre ce travail dans le cadre d'une résidence.

La première partie de la résidence vidéo s'est tenue du 19 au 28 juin 2002 à Marrakech, en collaboration avec l’Association Chouala pour l’Education et la Culture. Les quatre participants ont alors choisi de porter leur regard sur l'interculturalité de la ville de Marrakech, de saisir la diversité de ses images, de ses couleurs, de ses sons – son identité dans sa pluralité. Ils sont ainsi revenus de Marrakech avec 320 minutes de rushs, qu’ils entendent monter à Beyrouth à l’automne 2003.

Le film définitif comprendra les quatre lectures reliées entre elles par un travail élaboré de montage.

 

Conclusions

L’art de créer un espace commun et celui d’étirer le temps ont assurément caractérisé les travaux de ces résidences. En permettant aux participants de mener librement un travail continu et approfondi, les résidences organisées par Transeuropéennes et ses partenaires dans le cadre des Ateliers culturels euroméditerranéens peuvent jouer un rôle déterminant dans la mise en réseau des jeunes artistes et chercheurs du bassin méditerranéen, dans la circulation des idées au-delà des frontières. Mais cette réussite est conditionnée par la stabilité tant des partenariats que des financements.

 

 

Partenaires

Partenaire à Marrakech :  Association Chouala pour l'Education et la Culture ; Président : Abdelmaksoud Rachdi ; Assoc. Chouala / Marrakech : Mohamed Chafiq. Partenaire à Naples : Istituto Italiano per gli Studi Filosofici ; Directeur : Prof. Antonio Gargano.