1915. Le génocide arménien


Le livre de Hasan Cemal 1915. Le Génocide arménien vient de paraître dans la collection Traversées, dirigée par Franck Mermier et Timour Muhidine, éditée aux Editions les Prairies ordinaires en coédition avec Transeuropéennes, avec le soutien du CNL et la FEMDH. Il est traduit du turc en français par Pierre Pandélé. Il est disponible en librairie.

Cet essai, qui a connu un grand succès en Turquie, aborde la question de la perception de la « question arménienne » par un journaliste connu pour ses prises de position radicales sur les nombreux sujets problématiques de la période contemporaine : les pouvoirs de l’Armée, la question kurde (à l’intérieur et à l’extérieur de la Turquie) et la mémoire du Génocide… Mais ce journaliste présente un statut particulier de par son appartenance familiale ; il est le petit-fils de l’un des principaux dirigeants turcs des années 1914 à 1918. Ce dernier (Djemal Pacha) fut assassiné en 1921 à Tiflis par un Arménien. Et une partie de l’ouvrage raconte la perception des proches justement, la manière dont le milieu familial a traité la mémoire d’un événement majeur du XXe siècle, exprimant dans ses silences et zones d’ombre l’attitude générale de la période républicaine.
Ce récit également autobiographique reprend les étapes de la prise de conscience du journaliste qui suit les débats et publications en Turquie depuis le début des années 1990, s’associe aux activités de « relecture » des événements de l’année 1915, participe à la conférence de l’Université Bilgi en 2005, commente les déclarations et les écrits des romanciers Orhan Pamuk et Elif Safak, revient longuement sur l’assassinat du journaliste arménien Hrant Dink en janvier 2007… Il effectuera également des visites et conférences aux États-Unis puis en République d’Arménie : c’est en témoin fervent des processus de pardon et de réconciliation qu’il s’affirme ici. Témoignage irremplaçable fourni par un Turc qui, selon la logique étatique, aurait dû se situer de l’autre côté de la ligne de fracture idéologique, récit plein d’émotion et de doutes, il incarne le changement d’opinion, la recherche de vérité que le pays héritier des massacres de 1915 commence à réclamer. Fourmillant de références au débat interne, à la myriade de données qui permet de situer la complexité des réticences et des bloquages d’un pays où a régné une éducation de l’oubli, le livre de Hasan Cemal permet d’engager le procès de l’historiographie avant de faire celui de l’Histoire. Un ouvrage nécessaire qui vient compléter la production en français consacrée à ce sujet brûlant et polémique.


Hasan Cemal, né en 1944 à Istanbul, est journaliste. Après avoir travaillé dans plusieurs grands quotidiens turcs, il démissionne du journal Milliyet en 2013 suite aux pressions exercées par le gouvernement de l’AKP.